Le karaté comme outil de valorisation

Par Joany Dufresne
Il y a six ans, André Pronovost a entrepris une tâche pour le moins difficile, mais ô combien gratifiante, celle d’enseigner le karaté à des personnes ayant une déficience intellectuelle à son école Shito-Ryu du Cap-de-la-Madeleine.
Le karaté pour personnes handicapées est mieux connu sur le nom de «handi-karaté», mais André Pronovost préfère celui de «défi-karaté».
«Défi-karaté, c’est pour déficience et karaté. C’est aussi parce que ça représente un défi pour eux, rapporte-t-il. C’est un mot que je n’aime pas utiliser devant mes élèves. Je les considère comme des personnes normales.»
Depuis six ans, à raison de deux fois par semaine, le professeur accueille à son école un groupe de personnes ayant une déficience intellectuelle, autant des filles que des gars, des jeunes et des plus vieux. Parfois, ils sont 12, des fois 3 et d’autres fois 6. Cela varie constamment. L’été, ils sont plus d’une quinzaine à suivre ses enseignements.
S’adapter pour réussir
L’idée d’offrir des cours à cette clientèle lui est venue en discutant régulièrement avec des gens qui fréquentaient un organisme logé à côté de son école. Seul à offrir des cours de «défi-karaté» en Mauricie, André Pronovost désirait s’instruire davantage pour construire un programme bien adapté aux réalités des gens vivant avec une déficience intellectuelle. Ne trouvant aucune satisfaction auprès de Karaté Canada, M. Pronovost est allé jusqu’en France pour suivre une formation.
«Il y avait des gens pour tous types de sport. Moi, j’étais là pour le karaté. On était tous réunis ensemble et on discutait des problèmes que l’on pouvait rencontrer quand on enseigne à ces gens», explique-t-il.
Des problèmes, le professeur en a vécus et il en vit toujours. Il a dû adapter son enseignement sur tous les aspects: le langage employé, la difficulté des exercices, les passages de grades… Car ses élèves n’ont pas tous le même degré de déficience et de compréhension, il doit souvent répéter ses paroles et ses gestes. Jamais il ne s’est laissé abattre par le découragement. Son secret: «J’y enseigne avec amour, confie-t-il. J’y vais par couche. Quand tout est bien compris, on passe à autre chose. Avec les plus lourds, c’est plus lent, mais je ne les dénigre pas.»
La fierté du défi relevé
Pour André Pronovost, le «défi-karaté» est un retour aux sources. «Parfois, on se met sur un piédestal, mais avec ces gens, il faut retourner à la base. Il faut être comme eux», dit-il.
Travailler avec les gens ayant une déficience est aussi une source d’énergie ajoute le sixième dan. Il affirme que ces gens sont toujours de bonne humeur et qu’ils ne critiquent jamais. D’autre part, il est fier de pouvoir apporter plus de confiance en soi à ces gens, en plus des bienfaits du karaté. Et ses élèves lui en sont reconnaissants.
«André nous dit de suivre à notre manière et c’est ce qu’on fait. On écoute ses conseils. Moi, j’aime ça beaucoup», exprime Denis Vigneault, qui suit les cours depuis le tout début.
M. Vigneault est ceinture verte et il compte acquérir sa ceinture bleue en décembre tout comme sa consœur, Judith Langevin. Depuis plus d’un an, elle pratique le karaté avec André Pronovost et elle adore ça.
«J’apprécie énormément que ça fasse partie de ma vie. Ça m’apporte de la sécurité. Avec tout ce qui se passe dans le monde, on a toujours une petite crainte en tant que femme. Ça me permet aussi d’avoir confiance en moi», rapporte-t-elle.
L’ultime but
C’est une grande fierté pour André Pronovost que de voir ses élèves atteindre des grades de plus en plus hauts. Son rêve est qu’ils aient tous un jour leur ceinture noire. Déjà, l’un d’eux tentera d’acquérir la plus prestigieuse des ceintures au printemps prochain. Il s’agit de Vincent Langevin, le frère de Judith. Pratiquant le karaté depuis son jeune âge, l’homme d’une vingtaine d’année agit en tant qu’assistant auprès de son professeur. Il rêve un jour de pouvoir enseigner.
M. Pronovost chérit aussi le désir de compétitionner avec sa classe de «défi-karaté». Malheureusement, aucune compétition n’existe pour cette clientèle au Québec contrairement à l’Europe. Seules des compétitions « pour gens normaux » sont offertes pour le moment et bien que deux de ses élèves, Denis Vigneault et Mathieu Turcot, suivent aussi des cours réguliers avec les adultes, ils ne sont pas prêts pour ça.
Peut-être qu’un jour cela sera possible. Pour l’instant, le professeur se concentre sur son programme, car «tout est encore noir devant lui».
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