À la recherche de joueurs

Par Nicolas Ducharme
Le week-end dernier, les Diablos de Trois-Rivières ont subi un cuisant revers de 52-3 contre le Phénix d’André-Grasset. Décimés par les blessures, l’entraîneur-chef, Martin Croteau, n’a pu habiller que 29 joueurs lors de cette rencontre, alors qu’il pourrait en compter jusqu’à 60. Comment expliquer que les effectifs soient si peu nombreux chez les Diablos ?
Il faut dire que les joueurs ont leur part à voir dans ce scénario, puisque 10 d'entre-eux étaient sur le coup d'une suspension, après avoir consommé de l'alcool sur le terrain du Cégep lors d'une partie de flag-football de leurs consoeurs féminines. Tout de même, avec 39 joueurs, les Diablos auraient été bien loin du compte.
Pourtant, la région est fertile en joueurs de football. L’Académie Les Estacades et le Séminaire Saint-Joseph sont parmi les meilleurs programmes juvéniles au Québec. Pour ce qui est de la troisième division, la ligue régionale compte six équipes. Bref, amplement pour remplir une équipe de 60 joueurs.
Et pourtant, les Diablos n’y parviennent pas. J’ai tenté de comprendre pourquoi une telle situation était possible dans une région où il n’y a qu’une seule équipe de football collégiale. Jeudi dernier, je me suis rendu à la séance d’entraînement de la formation, où une longue conversation s’en est suivi avec trois entraîneurs des Diablos, l’entraîneur-chef, Martin Croteau, le coordonnateur défensif, Jean-Philippe Chartier et le responsable des secondeurs, Michael Guay.
Recrutement
Bien évidemment, le recrutement restera toujours un défi pour la formation trifluvienne, comme pour bien d’autres formations collégiales. Mais l’attrait de la division 1 est très fort chez les jeunes joueurs de la région, particulièrement ceux qui graduent des Estacades et du Vert & Or.
« Ça flash de dire que tu joues en division 1 », lance Michael Guay. « Pourtant, les équipes universitaires sont composées à moitié de joueur de notre division », rappelle Croteau.
Il règne dans la région de Québec une forte rivalité entre les programmes de football collégial. L’année dernière, une seule équipe de ce territoire évoluait en division 1. Cette année, deux autres cégeps, Lévis-Lauzon et Notre-Dame-de-Foy, ont fait le saut vers l’échelon supérieur. Et les Titans de Limoilou comptent bien les imiter très prochainement.
Les Diablos pourraient bien être la première victime de toute cette compétition, puisque plusieurs joueurs ont pris la décision de se diriger vers Québec, en espérant obtenir un poste en division 1.
Plusieurs se sont rivé le nez, et ne participeront à aucune partie de leur institution cette année, puisqu’ils ne font pas partie de la liste des 60 joueurs admissibles.
La solution serait-elle de dire quelques pieux mensonges aux finissants d’âge secondaire, comme d’autres entraîneurs le font, question de faire pendre une belle carotte au bout de leur nez et les attirer au Cégep de Trois-Rivières ?
« Après 20 ans, il n’est pas question que je me mette à mentir aux jeunes », martèle Croteau, mettant un terme à cette option.
Absence de football cadet
Pour Guay, qui est aussi intervenant sportif à l’Académie Les Estacades, l’absence de football de calibre cadet dans la majorité des écoles secondaires de la région fait très mal.
« Les jeunes de secondaire 3 ne sont pas assez matures physiquement et mentalement pour jouer contre des gars de secondaire 5. Plusieurs abandonnent, ce qui, en bout de ligne, nous fait mal. Avec du football cadet, ils pourraient se développer à leur rythme.
La solution pourrait bien passer par l’établissement d’un réseau entre toutes les équipes scolaire et les Diablos. C’est ce rêve que caresse le responsable des secondeurs. Il aimerait ainsi que les entraîneurs de la région participent aux activités des Diablos.
« Les jeunes seraient donc plus intéressés à se joindre à nous, parce qu’ils verraient leur propre entraîneur dans l’entourage des Diablos », croit-il.
Une bonne idée, certes, mais qui sera difficile à implanter. Déjà que la tâche de pilote est exigeante, il peut être très difficile pour plusieurs de le faire à deux endroits.
L’essayer
Le football est l’un des seuls sports où ne pas avoir commencé à un jeune âge peut être un avantage. En plus, le sport scolaire permet de réussir plus facilement ses études que le sport civil. Voilà pourquoi l’équipe d’entraîneurs se demande pourquoi plus de jeunes ne sont pas tentés par l’aventure.
« Qu’ils viennent l’essayer. C’est à nous de décider s’ils ne sont pas assez bons pour jouer, pas eux. Nous perdons plusieurs joueurs potentiels parce que les jeunes pensent qu’ils n’ont pas ce qu’il faut », rage Guay.
Martin Croteau ne s’est pas fait prier pour énumérer les nombreux joueurs qui n’avaient jamais touché à un ballon ovale, mais qui ont eu un impact important dans le programme des Diablos.
Parmi ceux-ci, sa plus belle prise est sans aucun doute Étienne Légaré. « Il n’avait jamais joué au football. Je l’ai vu et je lui ai demandé ce qu’il faisait, caché dans l’école à ne pas faire partie de l’équipe. Il a joué deux ans ici. »
Légaré a ensuite poursuivi sa route pour devenir le deuxième choix du repêchage 2009 de la LCF.
D’ici à ce que la situation change, les Diablos devront se débrouiller avec des forces réduites, comme ce fut le cas l’année dernière aussi. Samedi, les Rouges affronteront les Volontaires de Sherbrooke, à Trois-Rivières, dans le dernier match de leur saison régulière. À moins d’une guérison miracle de plusieurs de leurs éléments, le résultat devrait être similaire à celui de la semaine dernière : un massacre.