De plus en plus d'antidouleurs vendus sur le marché noir

Par Guillaume Jacob
Un véritable marché noir d'antidouleurs médicaux et de médicaments pour contrer l'anxiété a cours dans la région, comme ailleurs au pays. Oubliez le trafic international de drogues exotiques soutenu par des organisations aussi puissantes que mystérieuses : cette nouvelle drogue provient du cœur même de notre système de santé.
Comment des comprimés disponibles seulement sous ordonnance peuvent-ils se retrouver à circuler sous le manteau? « Je me pose la même question que vous », avoue le Dr Jean-Marc Pépin, qui œuvre au centre de réadaptation Domrémy.
Après 20 ans passés à aider les toxicomanes trifluviens, le toubib a toutefois quelques indices. Certains patients se procurent des opiacés par ordonnance, pour un problème de santé bien réel. Le hic, c'est qu'ils réussissent parfois à voir plusieurs médecins différents, et réussissent ainsi à obtenir autant d'ordonnances.
« Je me souviens d'un patient d'il y a quelques années, raconte le Dr Pépin. Il avait des maux de dos bien réels et se faisait prescrire des opiacés pour soulager ses douleurs, mais par trois ou quatre médecins. Chacun d'entre eux ne savait pas qu'un collègue voyait le même patient. Grâce à ses nombreuses ordonnances, ce type est devenu un des plus grands vendeurs en Mauricie. »
Il faut dire aussi que les médecins eux-mêmes ont parfois la gâchette facile, remarque le Dr Pépin. « Il y a des gens qui sortent de l'hôpital avec des ordonnances d'opiacés renouvelables aux six mois. J'en vois parfois pour des quantités industrielles de comprimés. Les patients ne les utilisent pas tous et certains n'hésitent pas à revendre les surplus. »
Un comprimé acheté pour 0,50 $ en pharmacie peut être revendu entre 5 et 10 $ sur le marché noir, affirme le docteur.
Possible réseau de trafiquants
Toutefois, les surplus d'ordonnances abusives et les tours de passe-passe de certains patients ne sauraient expliquer l'ensemble du trafic en cours, croit le Dr Pépin. « Les clients de chez Domrémy nous le disent, il y a des arrivages périodiques d'opiacés dans la région, témoigne-t-il. On se demande bien d'où ça vient. »
Le docteur se demande même si des pharmacies ou des intermédiaires dans la chaîne de distribution des opiacés d'ordonnance ne seraient pas en cause. « L'exemple classique du patient avec plusieurs prescriptions ne peut pas expliquer les quantités disponibles sur le marché noir. Il existe sûrement un réseau. »
Hausse des saisies
Il est de plus en plus fréquent pour les policiers de la Sécurité publique de Trois-Rivières, par exemple, de tomber sur des quantités appréciables de médicaments d'ordonnance et de fausses prescriptions lors de perquisitions.
Il y a quelques années, la SPTR a enquêté spécifiquement sur ce type de trafic. Le service de police ne tient toutefois pas de statistiques sur le nombre de saisies liées à ce genre de stupéfiant. « C'est rare qu'on va faire une perquisition qui vise spécifiquement les antidouleurs sur ordonnance, explique le porte-parole de la SPTR, Michel Letarte. On trouve plus souvent des quantités parmi d'autres types de drogues. Nos enquêteurs constatent toutefois qu'il y en a de plus en plus. »
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