David contre Goliath?

Par Matthieu Max-Gessler
L’activité physique est garante d’une bonne santé. À peu près personne de nos jours ne remet en question cette affirmation, qui explique pourquoi le sport est autant valorisé dans les écoles. Mais l’est-il au détriment d’autres disciplines, comme les arts?
Cette année, l’Académie les Estacades accueille 639 élèves dans son programme Sport-études, une centaine de plus qu’en 2011. Cette hausse survient alors le nombre d’inscriptions dans les écoles secondaires de la région diminue.
Or, l’attrait qu’exercent les arts semble beaucoup moins grand auprès des jeunes. Toujours aux Estacades, seulement une centaine d’élèves ont décidé cette année de s’inscrire au programme de Musique-études, un nombre qui reste assez constant à travers les années. Au Conservatoire de musique de Trois-Rivières, cependant, le nombre d’inscriptions a diminué de 30 % en 30 ans. Comment expliquer ce déséquilibre?
«Il y a une certaine effervescence des activités de loisir culturel pour les jeunes au secondaire, mais il est vrai qu’ils sont beaucoup plus nombreux en sport. Ça s’explique en partie par le fait que le sport est bien organisé en milieu scolaire depuis les années 70. Il y a peut-être plus de gens sensibilisés à la cause», estime Jean-Marc Gauthier, directeur général de l’Unité régionale de loisirs et de sports de la Mauricie (URLSM).
Déséquilibre dans les budgets?
M. Gauthier reconnaît toutefois que les budgets consacrés aux sports et aux arts sont loin d’être les mêmes.
«Il n’y a pas les mêmes budgets consacrés à l’un et à l’autre, mais en même temps, le sport fait plus partie de la culture. Cet enracinement-là fait que sous l’angle des investissements, il y a en effet plus d’argent dans le sport que dans les loisirs culturels», concède-t-il.
Selon André Godbout, directeur du programme de Musique-études à l’Académie les Estacades, ce déséquilibre n’est toutefois pas le fait des écoles, du moins, pas de la sienne.
«C’est faux de dire que tout l’argent va aux sports, parce que ce sont les parents qui paient. Une année en Musique-étude coûte 200 $ alors qu’en hockey, c’est beaucoup plus dispendieux», nuance-t-il.
Question de priorités
L’enseignant constate toutefois que les arts et la musique sont peu valorisés au Québec, contrairement à plusieurs pays d’Europe.
«Il n’y a pas de musiciens parmi nos décideurs, ce sont des administrateurs. Le premier ministre Stephen Harper, la première chose dans laquelle il coupe, c’est les arts. Pourtant, ça a été prouvé que la musique apporte énormément au cerveau», déplore-t-il.
Jean-Marc Gauthier reconnaît lui aussi qu’il est difficile de mobiliser les gens autour des arts et de la culture au Québec.
«Le gouvernement a investi dans le sport, mais pour les loisirs culturels, on n’est pas là. Il n’y a pas eu de mouvement collectif en ce sens-là, contrairement au sport», souligne-t-il.
Le rôle des parents
Il y a fort à parier que sans leurs parents, Antoine Bareil et Valérie Milot ne seraient pas les musiciens professionnels qu’ils sont aujourd’hui.
«Il faut donner plus d’opportunités et d’ouvertures aux jeunes. Je trouve qu’ils ne sont pas assez outillés pour ouvrir leurs horizons, et c’est le rôle des parents», estime la harpiste.
Elle croit toutefois que s’il y a davantage de place à donner aux arts, les sports devraient également en avoir plus.
«Je ne pense pas que le sport soit trop mis en valeur, il devrait même l’être plus. Je pense que l’un va avec l’autre, les deux devraient avoir plus de place à l’école», soutient-elle.
Mais pour Antoine Bareil, violoniste et conjoint de Valérie Milot, il faut d'abord avoir accès à la culture et à l’art sous toutes leurs formes pour pouvoir s’y intéresser.
«On dit parfois que la musique classique n’intéresse personne, mais à mon avis, c’est parce qu’on n’en diffuse pas assez. Si les gens y étaient plus souvent exposés, je crois qu’ils seraient plus nombreux à l’apprécier», illustre-t-il.