Lucidité et engagement régional
Le 7 avril, la population du Québec a élu un gouvernement majoritaire du Parti libéral, elle pa partagé l’opposition à l’Assemblée nationale entre le Parti québécois, la Coalition Avenir Québec et dans une moindre mesure Québec solidaire. Ce ressac du vote en défaveur du Parti québécois a aussi emporté la circonscription de Johnson et mis un terme à ma carrière à l’Assemblée nationale. La Mauricie sera donc représentée par cinq députés libéraux et le Centre-du-Québec par quatre élus de la CAQ. Je leur adresse mes félicitations sincères et je leur offre une collaboration sans arrière-pensée. Pour ce faire, j’informe la région que je me libère aujourd’hui de la ligne de parti.
Je n’interprète pas le résultat dans Johnson comme un jugement sur mon travail à titre de député et de ministre régional. Je suis fier et reconnaissant envers mon équipe pour la réalisation de plus de projets majeurs que jamais auparavant, et ce en à peine un an.
En Mauricie, je mentionne bien sûr le dossier de l’eau à Shawinigan, celui de l’agrandissement du CHRTR, la mise en œuvre réussie du Fonds de diversification de 200 millions de dollars et le soutien aux incubateurs industriels de Trois-Rivières et Shawinigan. À ces centaines d’emplois s’ajouteront ceux chez IFFCO, RER Hydroliennes, Quest et, l’espère-t-on, Ferro Atlantica. Je suis content de ma contribution à l’essor d’une économie qui s’appuie sur un entrepreneuriat régional, diversifié, innovant, exportateur et de plus en plus vert.
Dès le 7 avril, je n’ai pas hésité à dire aux médias que je mettrais mon talent, mon énergie et mon expérience au service de la Mauricie et du Centre-du-Québec. Je suis un développeur, un homme de projets. La future forme de cet engagement donne lieu à une passionnante réflexion. Il est déjà clair que je collaborerai avec des acteurs municipaux, économiques, sociaux ou culturels que je connais déjà comme très peu de gens en ont la chance.
La baisse de plus de 300 000 votes exprimés en faveur du Parti québécois est un signal qui ne trompe pas et qui ne sera pas si simple à interpréter. Le Parti québécois devrait en faire une analyse sans complaisance avant de se lancer dans une course à la direction. Il devra aussi se réinventer sur la question nationale, la social-démocratie et le développement durable. S’il ne fait que le dire, il restera dans l’impasse. Les Québécois viennent de lui en donner le temps.
Je suis convaincu de la pertinence de la souveraineté du Québec. Elle n’est pas une fin, mais un moyen. Le coffre à outils complet de toute nation affirmée. Les Québécois peuvent et doivent s’approprier tous ces outils. Aujourd’hui, ils n’en veulent pas. Tant que la confiance en nos moyens et nos élus ne sera pas restaurée, nos finances publiques équilibrées et la jeunesse investie dans le processus politique, ça ne changera pas. C’est un défi pour un parti dont la base militante est soudée par cet appel impatient du pays. Pourtant, ils ont le devoir d’éviter que le développement du Québec et la démocratie ne soient pris en otage de ce seul enjeu et au détriment même du parti de René Lévesque. Le Parti québécois ne doit jamais cesser pour autant de faire valoir la normalité salutaire de se donner un pays bien à nous. Qu’il écoute et parle davantage, sans le boulet du quand ou du comment, afin de permettre aux Québécois d’y réfléchir puis d’y rêver sans la méfiance que suscite une fébrilité toute péquiste.
Il est révélateur que les Québécois n’aient pas attendu les éclaircissements sur l’éthique ni le renouvellement du Parti libéral avant de lui confier si tôt un si fort mandat. En ne reportant pas clairement après un autre scrutin un possible référendum sur la souveraineté, le Parti québécois est donc responsable de son propre recul. Bien sûr le piège était béant, mais nous n’avions pas à y tomber. Bien sûr, il y a des médias ouvertement fédéralistes et aucun qui soit souverainiste, et les sondages sont un détournement toxique en période électorale. Nous devons quand même et sans amertume accorder la chance au premier ministre Couillard de piloter en parallèle le renouvellement du Parti libéral et le gouvernement. Pour l’y aider, remplaçons les dénonciations par des propositions. S’il est singulier que le Parti libéral soit de retour au gouvernement sans avoir même déposé un programme ou une plateforme, voyons-y l’occasion de définir des politiques consensuelles en diversification économique, en soins de fin de vie, en itinérance, en éducation, en santé ou en environnement.
Bien que je ne verse pas dans les attaques personnelles et ne mente pas, j’ai parfois exprimé mes avis sur un ton rude. Pourtant, je dénonce aujourd’hui avec sévérité la méchanceté brute qui colore souvent les échanges en politique et la dérive parfois vulgaire d’une certaine presse qui se dit d’opinion. Une génération complète semble refuser de les cautionner. Une génération que ses aînés ne rejoignent plus. Dans cette foulée, la configuration de l’Assemblée nationale offre une occasion historique: l’ampleur de la victoire libérale prête à la magnanimité et la déroute péquiste à la modestie. Je souhaite que la Coalition Avenir Québec s’inspire de cet environnement favorable à une redéfinition des rapports entre parlementaires.
Je prends un grand pas de recul et exprime le désir d’agir et de porter d’abord la voix de la Mauricie et du Centre-du-Québec, une région qui m’a accueilli et que j’aime durablement.
Yves-François Blanchet, le 14 avril 2014