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Faire le deuil du silence

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24 décembre 2013
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Par Matthieu Max-Gessler
TROIS-RIVIÈRES - 

70 coups de cymbale à la minute. Si ce rythme rendrait jaloux plusieurs batteurs, il est devenu le cauchemar de Micheline, qui les entend depuis 15 ans. Non pas parce qu’elle cohabite avec un groupe de hard rock, mais parce qu’elle fait de l’acouphène.

L’acouphène est un son persistant, souvent un sifflement, qui peut se produire dans une seule ou les deux oreilles, ou carrément dans la tête. Dans le cas de Micheline, un vaisseau sanguin qui passe trop près de son oreille interne fait résonner chacun de ses battements de cœur dans sa tête. Un son qui peut rapidement rendre fou.

«Je suis sûre qu’à un moment donné, mes nerfs vont craquer. Quand on se réveille la nuit, c’est la première chose qu’on entend et se rendormir avec ces bruits-là, ce n’est pas évident. Je dois écouter de la musique douce. Je n’ai pas peur du noir, j’ai peur du bruit», explique-t-elle.

L’acouphène toucherait de 12 à 17 % de la population, selon l’association Acouphène Québec.

Au bord du suicide

Les conséquences de ce phénomène peuvent aller loin. Insomnie, angoisse, stress, irritabilité, dépression… et pour Hélène, pensées suicidaires.

«Je ne peux pas décrire le son que ça faisait, mais je n’étais plus capable de vivre. Après un mois, j’avais perdu 40 livres. Je ne dormais presque plus. Un soir, j’en ai eu assez: j’ai mis mes pilules devant moi et j’ai commencé à écrire une lettre d’adieux à mon mari», relate la nouvelle retraitée.

Hélène n’est heureusement jamais passée à l’acte. Elle s’est fait prescrire plusieurs médicaments pour diminuer son anxiété face à son acouphène et a subi plusieurs opérations qui ont réussi à réduire le problème. Ces traitements lui ont toutefois coûté plus de 6 000 $ et rien ne garantit que l’horreur auditive ne recommencera jamais.

Un mal souvent incurable

«Vivez avec» et «écoutez de la musique forte pour vous endormir»: voici les seules réponses qu’ont obtenues Hélène et Micheline de leur oto-rhino-laryngologiste (ORL), le médecin spécialiste du nez, des oreilles et de la gorge.

«Je ne comprends pas pourquoi il n’est pas allé plus loin. Je lui ai demandé de passer une résonnance magnétique, mais il n’a jamais voulu», fulmine Hélène.

«On dirait qu’ils banalisent l’acouphène, ajoute Normand Gour, bénévole responsable d’animation pour Acouphènes Québec à Trois-Rivières. Souvent, ils ne réfèrent pas aux centres de réadaptation en santé, qui sont pourtant financés par le gouvernement. Je n’ai pas de statistiques, mais trois personnes sur quatre à qui je parle ont vécu ça.»

La réalité est cependant que l’acouphène peut rarement être endigué par une opération.

«Il y a des causes traitables comme de petits kystes et tumeurs ou encore du liquide derrière les tympans, mais il n’existe pas de solution miracle qui va fonctionner pour tous les acouphènes», explique le Dr Yannick Larrivée, président de l’Association d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale du Québec.

Il comprend toutefois le désespoir que peuvent ressentir les gens pour qui la médecine traditionnelle ne peut rien.

«Ça peut être décevant, voir insultant de se faire dire d’apprendre à gérer son stress et qu’on ne peut rien faire», reconnait-il.

Faire le deuil du silence

S’il n’y a pas de remède miracle pour faire disparaître l’acouphène, il existe d’autres solutions pour en diminuer les inconvénients. Le Centre de réadaptation InterVal offre ainsi plusieurs services pour aider les gens à vivre avec l’acouphène, voir le diminuer.

Si le Centre privilégie une approche de groupe, un suivi individuel peut également être assuré au besoin, surtout en cas de détresse psychologique. Des outils techniques peuvent aussi être fournis pour masquer l’acouphène.

«On fait de la gestion du stress et du sommeil, explique Hélène Imbeau coordonnatrice clinique du programme en déficience auditive à InterVal. Le but, c’est de s’habituer à l’entendre.»

Le programme en déficience auditive est venu en aide à plus de 200 personnes l’an dernier. De ce nombre, 31 faisaient de l’acouphène.

À Trois-Rivières, Normand Gour organise des rencontres mensuelles pour Acouphènes Québec, question de se soutenir et d’échanger des trucs. Celui qui vit depuis 15 ans avec ses «cigales» dans les oreilles espère ainsi en aider d’autres à accepter leur parasite sonore, comme il l’a fait.

«Au début, j’ai cru que je pourrais trouver un remède. Mais après trois mois, j’ai compris qu’il n’y aurait pas de traitement, alors je me suis résigné. J’ai fait le deuil du silence», raconte-t-il.

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