Demander de l'aide avant qu'il ne soit trop tard

Par Matthieu Max-Gessler
Les problèmes de santé mentale touchent de plus en plus de gens dans la société. S’il existe plus de ressources pour eux et que la problématique est de mieux en mieux connue, les proches qui les accompagnent, eux, sont souvent laissés pour compte.
Les problèmes de santé mentale ont presque toujours fait partie de la vie de Jeanne Charest. Schizophrénie, paranoïa, trouble de personnalité limite et bipolarité: nombre de gens qu’elle aime ont reçu l’un de ces diagnostics.
«J’ai vécu de la fatigue, de l’épuisement professionnel, de l’anxiété et de la dépression. Nous aussi, notre santé vient à être touchée. Mais contrairement à eux, on reste fonctionnels», explique-t-elle.
Exclue de plusieurs milieux de travail
En plus d’affecter sa santé, le fait d’être proche de personnes malades a également privé Jeanne, qui est infirmière, de plusieurs emplois.
«J’ai perdu des emplois et je suis refusée à beaucoup d’endroits à cause de ça. À l’embauche, on nous demande si on a déjà eu des maladies mentales et s’il y en a dans nos familles. Quand on est refusé, ils nous disent que ce n’est pas pour ça, mais on dirait qu’ils nous prennent pour des fous, qu’ils diminuent notre intelligence», dénonce-t-elle.
Même sentiment de rejet lorsque Jeanne accompagnait un proche malade à l’hôpital. Si elle sait désormais se faire entendre, elle a souvent été ignorée.
«Dans les premiers temps, tu arrivais avec un proche malade, tu étais aussi capoté que le malade, mais ils ne s’occupaient pas de toi. Plus tu es anxieux, plus tu as peur et moins ils s’occupent de toi», dénonce-t-elle.
De l’aide à point nommé
À force d’accumuler la misère des autres sur ses épaules, Jeanne a passé près de craquer. Pour une première fois dans sa vie, elle a eu des idées suicidaires.
«Ça m’est arrivé comme ça un matin. J’étais dans une spirale infernale. Je me suis rendue à l’hôpital: c’était ça ou je passais à l’action», raconte-t-elle.
Jeanne Charest est loin d’être la seule d’être dans sa situation. Des personnes au bord de l’épuisement, Ginette Chapdeleine, coordonnatrice de La Lanterne d’espoir, en a vu passer beaucoup.
«De la colère, de l’agressivité, du mépris et des menaces: l’impact sur les autres est tellement grand que ces personnes peuvent s’épuiser jusqu’à en perdre le goût de vivre, confirme-t-elle. Des fois, c’est abracadabrant, tout ce qu’elles peuvent vivre.»
La Lanterne existe depuis plus de 10 ans à Trois-Rivières. L’organisme a pour mission de soutenir les Jeanne de ce monde par des interventions individuelles ou familiales, un centre de documentation, des ateliers, des conférences et des groupes d’entraide. Le but ultime: pouvoir lâcher prise, comme l’a compris Jeanne Charest, qui utilise les services de l’organisme depuis plus de trois ans.
«L’objectif, c’est de se rendre là, parce que c’est comme ça que la personne va se reprendre en main. Mais tu ne peux pas faire du jour au lendemain», prévient-elle.