La révolution technologique du monde agricole

Par Nicolas Ducharme
La venue de guidage par satellite (GPS) a influencé plusieurs sphères depuis son arrivée en 1995. Le monde agricole vit présentement une petite révolution grâce à ce système et il n’est pas loin le jour où les tracteurs fouleront les champs sans conducteur.
Les dernières innovations en la matière sont spectaculaires. Les agriculteurs qui le désirent peuvent maintenant faire installer des ordinateurs dans leur machine ainsi qu’un récepteur GPS, dont la précision peut atteindre jusqu’à trois centimètres.
Le tout permet une panoplie de possibilités. Par exemple, une moissonneuse batteuse est maintenant capable de contrôler le tracteur qui se présente à ses côtés équipés d’une voiture afin d’y transférer son grain.
Ou encore, des sondes installées à divers endroits dans un champ permettent à l’agriculteur de consulter les taux d’humidité en temps réel à l’aide d’un téléphone intelligent ou d’un ordinateur. Une borne alimentée par un panneau solaire effectue le relais des informations. Voici seulement la pointe de l’iceberg des nouveautés technologiques qu’offrent les différents équipementiers agricoles.
Des ventes surprenantes
Cette petite révolution, amorcée il y a huit ans aux États-Unis, s’est accentuée depuis quatre printemps selon Mathieu Richard, directeur des ventes chez Agritex.
«Au début, lorsqu’on s’est fait dire que les tracteurs se conduiraient seuls, je me disais que jamais on ne vendrait ça. Ça n’avait pas d’allure. Peut-être que ça pourrait connaître du succès dans les Prairies, mais pas ici.»
À sa grande surprise, plusieurs fermes de grande taille ont pris le tournant. Même de petites entreprises ont emboîté le pas.
Pour 7000 $, il est possible de s’équiper d’un système de base, mais les coûts peuvent rapidement grimper à quelques centaines de milliers $.
«Chaque année, on double nos ventes de ce type d’équipement», précise-t-il.
Améliorer le rendement
L’idée première derrière toute cette technologie est d’améliorer le rendement des entreprises. Par exemple, le système Apex de John Deere permet de calculer quelle portion de terre ont été les plus productives lors de la récolte précédente. L’agriculteur détient alors toutes les informations requises pour semer davantage aux endroits fertiles, ainsi que les autres espaces où il faudra employer plus d’engrais.
D’ailleurs, les producteurs cherchent à diminuer les quantités de produits qui sont utilisés dans les champs afin de favoriser la rentabilité. Grâce au GPS, une arroseuse peut arrêter certains de ses jets puisque le véhicule passe à un endroit qui a été partiellement aspergé plus tôt. Le tout sans que le conducteur n’ait à presser un seul bouton.
«Nous ne sommes plus à l’ère où on appliquait une double dose pour s’assurer de ne rien rater. Les agriculteurs misent sur ce type d’équipements pour améliorer leur efficacité», souligne Réjean Gervais, directeur de la vie démocratique pour l’Union des producteurs agricoles de la Mauricie.
«On parle ici d’agriculture de précision. On cherche le meilleur rendement tout en faisant de la culture durable en utilisant les pesticides de la bonne façon», ajoute-t-il.
Si les résultats se font voir rapidement à certains endroits, pour d’autres, il faut encore apprendre à utiliser ce système pour en tirer son maximum.
«C’est difficile de monnayer les résultats, mais au moins, il n’y a plus de doublement au niveau des coûts d’exploitation. La première année, nous avons fait des erreurs, mais depuis, elles ont été corrigées et tout va bien», se réjouit Sylvain Béliveau de la ferme Sytomax à Grand-Saint-Esprit.
Une solution au manque de relève ?
Le métier d’agriculteur n’a rien de facile. Les longues heures de travail, le coût élevé d’achat de terres et les risques de la météo ont rapidement éloigné plusieurs jeunes de cette carrière. L’apparition de nouvelles technologies facilitant leur tâche pourrait-elle être une solution au manque de relève agricole que connaît la Mauricie?
Près du quart des 1000 entreprises agricoles de la région sont sans relève identifiée et ce, alors que la moitié des producteurs sont âgés de plus de 55 ans. Une situation alarmante alors que ceux-ci se préparent à la retraite.
Toutefois, la venue du GPS et d’autres technologies en développement pourraient grandement faciliter et alléger le rythme de vie des agriculteurs. Plus besoin de parcourir de longues distances afin de constater l’état des champs. Il est maintenant possible d’obtenir une tonne d’information au bout du doigt.
De plus, les producteurs hésitent moins lorsqu’il est temps de confier la tâche d’effectuer les semis à un employé.
« La fatigue est toujours un facteur, mais certains hésitent à confier le travail à quelqu’un d’autre de peur qu’une erreur soit commise. Avec le GPS, ça élimine ce risque », explique Sylvain Béliveau.
Ce dernier a pris le tournant technologique il y a quatre ans et il ne le regrette pas. Le tout lui a même permis de garder au sein de son entreprise un employé qui ne devrait peut-être plus s’y trouver.
« Même mon père a continué à suivre et il a 82 ans. Il ne fait que superviser ce qui se passe dans le tracteur. Il n’a plus besoin de le conduire, tout se fait seul. »
Tout diriger de la maison?
Les systèmes de guidage à distance pourraient davantage révolutionner l’agriculture. L’entreprise John Deere travaille présentement sur un logiciel qui permettrait de contrôler les tracteurs et autres équipements à distance. Le jour n’est donc pas loin où le siège de conducteur sera superflu dans ces machines. Mathieu Richard, directeur des ventes chez Agritex, se montre toutefois prudent. Il s’attend à ce que plusieurs agriculteurs se montrent réticents à cette idée, de peur des répercussions si un accident devait survenir. Après tout, à un coût d’entrée de 300 000 $ la machine, qui ne s’inquiéterait pas?