La relève cherche sa place

Par Nicolas Ducharme
La région pourrait bientôt faire face à une situation alarmante. Des 1000 entreprises agricoles de la Mauricie, le quart pourrait éventuellement se retrouver sans relève.
Même si la moitié des agriculteurs de la région sont âgées de plus de 55 ans, la continuité de leur entreprise, une fois l’heure de la retraite venue, ne fait pas partie de leurs priorités.
« Pour le quart, il n’y a pas de relève identifiée », explique Benoît Curé, conseiller en développement agricole et rural pour le Centre local de développement de la MRC de Maskinongé. C’est d’ailleurs dans cette région, déjà durement touchée par les mises à pied, qu’on retrouve la moitié des producteurs de la Mauricie.
« De 2000 à 2010, la Mauricie a connu un taux de décroissance du nombre d’entreprises agricoles parmi les plus élevés au Québec. Elle se classe troisième sur 14 régions agricoles », rappelle Pascal Cyr, conseiller en économie et relève agricole à la Direction régionale du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ).
« Qu’est-ce qui va arriver si l’on perd ces entreprises ? On perd des familles et des taxes, mais aussi de l’animation sur le territoire. Des emplois directs et indirects sont en jeu. Il y a les fournisseurs, les vétérinaires, les compagnies de transport, mais aussi les gens qui restent dans ce milieu », ajoute M. Curé.
Une relève présente
Comment expliquer cette situation catastrophique ? L’intérêt de la jeunesse envers l’agriculture n’est pas un facteur.
« Il y a beaucoup de jeunes motivés et passionnés par l’agriculture qui sont prêts et qui sortent de l’école. Ils ont toutefois une difficulté d’accès aux terres parce que ça prend des moyens financiers, mais surtout, parce que les producteurs ne sont pas prêts à vendre. Ils n’ont pas de plan de transfert », laisse savoir M. Curé.
La tâche n’est pas facile pour les enfants d’agriculteurs qui se heurtent parfois au prix d’achat faramineux d’une ferme. Après avoir investi argent et sueur dans l’aventure, il peut être difficile pour les parents de céder le tout pour un prix bien moindre que la valeur réelle.
« On parle d’un don de 50% de la valeur en moyenne pour une entreprise laitière. Que faire si les parents ne veulent pas donner ce 50 % ? »
Les intervenants aimeraient donc qu’un fonds de retraite pour les producteurs soit créé afin de les encourager à préparer leur retraite, plutôt que de toujours augmenter l’actif de l’entreprise et ne pas être capable de récupérer ces investissements à la retraite.
« La situation n’est pas critique, mais si on ne fait rien et que ça ne bouge pas, ça va devenir problématique », indique Cyr.
Sensibiliser les producteurs
Il n’y a pas si longtemps, les agriculteurs ne s’interrogeaient pas sur leur succession. Leur entreprise était léguée à un de leurs enfants. Aujourd’hui, avec la réduction de la taille des familles et la valeur moyenne des fermes, 2 millions $, il peut être difficile de trouver de la relève à l’intérieur du cercle familial.
Les intervenants du domaine cherchent à sensibiliser les agriculteurs, qui sont souvent très attachés à leur terre. Après tout, il ne s’agit pas seulement de leur gagne-pain, mais d’un lieu de vie. Plusieurs préfèrent louer leurs terres et vivre leur retraite paisiblement sans quitter la maison familiale. D’autres attendent de trouver la personne parfaite pour effectuer la passation des pouvoirs.
« Lorsque nous allons voir les producteurs, il y a souvent des réticences. Ça nous prendrait quelqu’un à temps plein qui se promènerait et qui parlerait des ressources disponibles pour la préparation du transfert », croit Benoît Curé.
Puisque plusieurs n’ont pas d’option à l’intérieur de la famille, il est maintenant fréquent de voir un employé de la compagnie prendre la relève.
« C’est un scénario qui permet d’installer la confiance. Progressivement, l’employé est intégré à la ferme. Ça se voit de plus en plus », observe Pascal Cyr du MAPAQ.
Les travailleurs immigrants, une solution
La relève tant recherchée pourrait bien être d’origine étrangère. Puisque certains agriculteurs emploient des immigrants, c’est avec eux qu’ils développent des liens de confiance.
« C’est une clientèle potentielle pour reprendre les entreprises. Ils ont le profil pour cela. Ce sont des gens qui, à un moment donné, vont vouloir s’établir et aller chercher de l’autonomie. Pour eux, le secteur agricole est intéressant », mentionne M. Cyr.
Si les deux options mentionnées précédemment ne peuvent s’appliquer, il faut alors s’afficher.
« Ils doivent aller faire du <I>speed dating<I>, image ce dernier. Il faudrait dresser une liste de producteurs qui laisserait savoir ce qu’ils cherchent comme relève, dans quel secteur ils sont et à quel type d’entente ils s’attendent. Nous pouvons alors jouer le rôle d’intermédiaire. »
« S’il y a 250 entreprises sans relève, il faut trouver un moyen pour elles de s’afficher. L’objectif serait qu’en 2020, nous n’en ayons pas perdu une », avance Benoît Curé.