Pas à Trois-Rivières de sitôt

Par Amélie Marcoux
Des camions de nourriture de rue côte à côte pour offrir une variété de menus gastronomiques nouveau genre, des gens qui attendent d’être servi avec excitation… Cette scène qui peut être vu à Montréal ou dans d’autres grandes villes du monde ne risque pas de se produire à Trois-Rivières prochainement.
Oubliez l’idée de pouvoir expérimenter la tendance des food trucks à Trois-Rivières autre que dans des festivals ou lors d’activités spéciales. Alors que Montréal en est à sa deuxième année d’un projet-pilote très populaire de cuisine de rue et que Québec réfléchit à l’idée, le maire de Trois-Rivières est contre.
Yves Lévesque considère qu’il s’agit de « concurrence déloyale » envers les restaurateurs trifluviens. L’agente d’information à la ville de Trois-Rivières, Chantale Carignan, affirme d’ailleurs que c’est «par soucis d’équité envers les commerçants que la ville n’émet pas de permis pour le moment».
La directrice générale de la Société de développement commercial (SDC), centre-ville de Trois-Rivières, Marie-Ève Croteau, a constaté que les restaurateurs qui ont pignon sur rue à Trois-Rivières ne sont pas chauds à l’idée d’avoir encore plus de concurrence avec des camions de nourriture de rue.
Récemment, Le Carlito a célébré son 10e anniversaire. Pour l’occasion, le restaurant était transformé en bar et un camion de nourriture de rue était stationné sur le boulevard des Forges pour nourrir les gens qui célébraient. Alors que beaucoup de Trifluviens étaient bien heureux de pouvoir vivre l’expérience food trucks, Marie-Ève Croteau affirme que des restaurateurs du coin ont commenté la situation. «C’est sûr que ça leur a fait grincer des dents un peu», dit-elle.
Un projet utopique?
Il a pourtant des restaurateurs trifluviens qui croient en l’avenir des camions de nourriture de rue. Planète Poutine a son food truck, tout comme le Buck Traiteur qui a inauguré son camion la semaine dernière. Ses propriétaires ont voulu tester le concept cet été en se promenant dans les festivals.
Le chef copropriétaire du Buck Traiteur, Alexandre Labrie, croit en la viabilité du projet de nourriture de rue à Trois-Rivières. Si beaucoup de restaurateurs jugent que l’offre culinaire est saturée à Trois-Rivières, Alexandre Labrie est pourtant de l’avis contraire. Questionné à savoir si la demande sera là, il répond: «Absolument! C’est sûr qu’il va y avoir un marché pour ça. On est tous des gourmands et à Trois-Rivières, on se “lâche lousse”.»
Il pense toutefois que le projet doit d’abord être amené tranquillement: dans des festivals pour commencer, puis pour des occasions spéciales, par exemple lorsque les rues du port sont fermées à la circulation automobile. Alexandre Labrie ajoute que la population de Trois-Rivières s’habituerait alors au concept et que la Ville pourrait s’ouvrir à l’idée de permettre les food trucks dans ses rues.
Le chef vise un changement d’avis de la part de la ville dans un horizon d’au moins deux ans. Mais les opposants restent catégoriques. C’est non!
«Nous sommes un paquet de restaurant qui payons des taxes très élevées et qu’un camion arriverait et nous ferait compétition parce qu’il se stationne à telle place, je ne trouve pas ça correct» affirme Claude Gauthier, membre du conseil d’administration de l’Association des restaurateurs du Québec. Même un système comme à Montréal de zones spécifiques pensées pour ne pas faire de la compétition directe aux restaurants avec pignon sur rue ne semble pas être une bonne idée pour Claude Gauthier. Il affirme que la différence de taille entre Trois-Rivières et Montréal change énormément la donne.
La SDC est aussi d’avis que Trois-Rivières n’est pas de taille à un projet comme celui de Montréal. «Les affaires sont difficiles. Je ne pense pas qu’il y ait de la place à d’autres restaurants ou d’autres offres comme la cuisine de rue», explique Marie-Ève Croteau. Elle souligne aussi que Trois-Rivières se situe dans les villes ayant le plus grands nombres de restaurants en proportion à son nombre d’habitants.