Pyrrhotite: Les permis de construction témoignent de l’ampleur du fléau

Par Jocelyn Ouellet
La valeur des permis de construction émis par la Ville de Trois-Rivières en 2013 pour corriger les problèmes de pyrrhotite a atteint plus de 24 M$ de dollars. Depuis 2010, les coûts déclarés se chiffrent à plus de 65,5 M$.
Selon les données obtenues par L’Écho de Trois-Rivières à la suite d’une demande d’accès à l’information, la Ville a émis, en 2013, 172 permis de reconstruction de fondations, pour une valeur déclarée de plus de 22,3 M$ de dollars. À cela s’ajoutent 70 permis de sous-sols dont les coûts étaient estimés à près de 1,7 M$, pour un total de plus de 24 M$. Cette somme représente près de la moitié des valeurs déclarées pour des réparations et modifications de maisons. Elle compte aussi pour 13,5 % de la valeur totale des permis de construction émis l’an dernier dans le secteur résidentiel, incluant les nouvelles constructions et les agrandissements.
Ces chiffres ne surprennent pas Yvon Boivin, président de la Coalition d’aide aux victimes de la pyrrhotite (CAVEP) qui depuis cinq ans, constate l’ampleur du désastre. Il relève qu’avec une facture moyenne de l’ordre de 140 000 $, c’est un poids énorme pour les victimes qui doivent sortir cet argent de leurs poches, même si ce n'est qu'en partie. «C’est supporté par 172 familles! Et le problème, c’est que ces gens-là ont déjà des hypothèques sur des maisons neuves», constate M. Boivin, selon qui une majorité de ces familles vivent des difficultés financières.
Des travaux de 65 M$ en quatre ans
Depuis 2010, année où les premières maisons ont été réparées, la valeur des permis délivrés pour des travaux liés à la pyrrhotite n’a cessé d’augmenter, pour totaliser plus de 65 millions de dollars à la fin de 2013. Et selon Yvon Boivin, les cas de pyrrhotite à Trois-Rivières ne représentent que 70 % de l’ensemble de ceux que l’on retrouve dans toute la Mauricie.
Le président de la coalition doute cependant que ces sommes, même si elles sont importantes, aient grandement profité à la région. D’une part, ces travaux n’ont pas contribué à enrichir le parc immobilier. Il rappelle aussi que la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ a attribué la grande majorité de ses contrats à une entreprise montréalaise.
Si les achats de matériaux ont pu profiter à certains commerces locaux, ces entrées d’argent sont, selon lui, atténuées par le fait que plusieurs ménages ont renoncé à d’autres projets. «Tu n’arranges plus tes plates-bandes, tu ne mets pas de piscine, tu ne remplaces pas de vélos, tu ne pars pas en voyage, tu ne vas plus au restaurant, tu arrêtes de vivre tout le temps que dure la crise», signale celui qui défend les victimes de la pyrrhotite depuis 2009. Il aimerait que des études viennent chiffrer d’autres conséquences, comme celle de l’absentéisme au travail.
Rien d’autre que du résidentiel
Toutes les données disponibles à ce jour ne concernent que le secteur résidentiel. Selon le Service des permis, inspections et environnement de la Ville de Trois-Rivières, aucune demande de permis pour des travaux relatifs à la pyrrhotite n’a encore été faite pour des immeubles commerciaux, industriels et institutionnels. Le phénomène n’étonne pas Yvon Boivin. Il pense que les propriétaires de ces immeubles attendent que le juge Michel Richard rende son jugement à la suite du mégaprocès de la pyrrhotite qui s’est déroulé de novembre 2012 à juin 2013 à Trois-Rivières. Il s’agit du plus important procès en matière de construction à s’être jamais tenu au Canada.