Ganotec a versé 1,2 million $ en pots-de-vin

Par Mélanie Colleu/Journal de Montréal
L’entreprise trifluvienne Ganotec aurait versé jusqu’à 1,2 million $ de pots-de-vin à l’ancien leader syndical Gérard Cyr entre 1998 et 2006 pour avoir la paix sur ses chantiers, a-t-on appris mercredi à la commission Charbonneau.
Le témoignage du PDG de l’entreprise Ganotec, une compagnie spécialisée en maintenance de raffineries, a eu l’effet d’une bombe mercredi à la commission Charbonneau.
Entre 1998 et 2006, sa compagnie aurait versé 0,5 % des revenus de ses contrats avec Shell et Pétro-Canada à Gérard Cyr, alors leader du local 144 de l’International (soudeurs et tuyauteurs) et président du syndicat.
Ce dernier aurait exigé ces ristournes sous prétexte d’avoir joué les intermédiaires lorsque Ganotec a embauché Eugène Arsenault – un actionnaire réputé pour son expertise dans les raffineries – car il aurait apporté de lucratifs contrats à l’entreprise.
«À partir de 2000, Ganotec a remis de grosses sommes d'argent à Gérard Cyr», a ainsi confié Serge Larouche à la juge Charbonneau, estimant le total de ces pots-de-vin à 1,2 million $.
Deux ans plus tôt, Ganotec – qui embauchait sa main-d’œuvre au local 144 – aurait également versé 40 000 $ pour acheter la paix sur un chantier. «J'ai vu ça comme une protection, un peu comme il y a dans 90 % des bars au Québec», a expliqué le témoin.
Dans les bas
Remplir les poches de M. Cyr lui permettait aussi d’avoir de bons travailleurs. «Tu veux des soudeurs capables de souder, des gars capables de faire de la manutention difficile», a expliqué M. Larouche.
Si son témoignage est véridique, il s’agirait de cas d’extorsion, de ristournes versées en échange de protection ou par crainte de représailles, un vocabulaire habituellement réservé au milieu mafieux.
D’ailleurs le prédécesseur de Serge Larouche à la tête de Ganotec, Léopold Gagnon, qui se chargeait de remettre l’argent à Gérard Cyr, cachait les billets dans ses bas pour les lui remettre dans les toilettes, a rapporté le témoin. Une situation qui rappelle étrangement les ristournes remises par des entrepreneurs au parrain de la mafia montréalaise, Vito Rizzuto, au café Consenza.
À cette époque, Serge Larouche avait ouvert un coffret de sûreté à Trois-Rivières, dans lequel il amassait l’argent comptant que l’entreprise récupérait grâce à un stratagème de fausses facturations.
Un homme craint
En 2007, Gérard Cyr s’est farouchement opposé à la vente de Ganotec à Kiewit puisque le versement de ses pots-de-vin allait cesser, a expliqué le témoin.
Craignant la réaction du leader syndical une fois la transaction effectuée, Serge Larouche et d’autres actionnaires de Ganotec ont constitué, avec leur argent personnel, un fonds de 400 000 $ pour le syndicaliste «au cas où». S’ils ne lui ont jamais versé un centime de ce fonds, Larouche a remis 30 000 $ de sa poche à Gérard Cyr pour «acheter du temps» et faire en sorte qu’il arrête de détruire l’image de Ganotec.
Le leader syndical lui aurait finalement retourné cet argent un an plus tard en lui indiquant «je suis clean».
Pour partager votre opinion vous devez être connecté.