Elle se retrouvent 44 ans plus tard

Par Stéphanie Lavoie
Line Ruest Perron a toujours su qu’elle était la jumelle de quelqu’un. Ce n’est que 44 ans plus tard qu’elle rencontre Lyne Rocheleau, sa jumelle siamoise, de qui elle est séparée depuis sa naissance.
Lorsque nous sommes ensemble, nous sommes un tout», mentionne d’emblée Mme Ruest Perron. Toutes deux originaires de La Tuque, mais mise en adoption à leur naissance à la crèche Sainte-Marie de Trois-Rivières, les deux femmes ont toujours su qu’il leur manquait quelque chose dans leurs vies.
«Au départ, on m’avait dit que j’étais jumelle avec un garçon. Je le savais depuis l’âge de six ans. J’ai été très malade et les médecins avaient demandé à mes parents quelles étaient les maladies familiales. Elle a donc dû leur dire qu’elle m’avait adopté», raconte Mme Ruest Perron, résidente du Cap-de-la-Madeleine. À ce moment, les médecins ont entamé des recherches. Ils ont alors appris qu’elle était jumelle.
Des enfances difficiles
La dame grandit avec une certaine haine à l’intérieur. «Premièrement, je devais retrouver ma mère biologique. Ce que je me refusais de faire. J’avais été séparée de mon jumeau et peut-être que je ne le retrouverais jamais. Je lui en voulais pour ça. J’ai aussi été jugé parce que j’étais un enfant adopté. À cette époque-là, ce n’était pas facile.»
Mme Ruest Perron entame, des années plus tard, des recherches dans le but de trouver son jumeau. «Je ne trouvais rien puisque dans les faits, c’était une femme que je devais chercher.» Finalement, c’est sa sœur Lyne qui l’a retrouvé.
Respectant le vœu de sa mère, Mme Rocheleau laisse tomber l’affaire. «Ma mère ne voulait pas que j’effectue des recherches. Un jour, ma fille Amélie, devenue infirmière à son tour, m’a demandé de faire les recherches afin de connaître nos origines et nos gènes.»
Elle a toujours su qu’elle était adoptée. «Mon père m’avait amené à la crèche Ste-Marie pour me montrer d’où je venais. J’ai été adopté à l’âge de 11 mois et, depuis ce temps, mes parents me disaient la vérité.»
À la suite de son cours pour devenir infirmière auxiliaire, Mme Rocheleau doit passer des tests écrits et physiques. «J’ai toujours eu une cicatrice en dessous du bras droit. À mon test physique, le médecin m’a questionné à ce sujet. J’ignorais pourquoi je l’avais. Mes parents m’ont adopté et je l’avais déjà.» Le médecin confirme à Mme Rocheleau que c’est la cicatrice d’une chirurgie.
Le médecin procède donc à des recherches. Les parents de Mme Rocheleau lui apprennent alors que leur fille était collée à un autre bébé à sa naissance. «J’ai revu le médecin, mais sans parler à mes parents. Il m’a confié que j’étais jumelle et le pourquoi de la cicatrice.»
Elle retourne alors chez ses parents pour leur annoncer la nouvelle qui ne la touchait pas plus que ça. «Sur le coup, je trouvais que le médecin venait de me dire quelque chose de ridicule. J’ai alors discuté avec mes parents. J’avais 18 ans à l’époque.»
Entamer des recherches
Pour retrouver sa jumelle, Mme Rocheleau doit d’abord retrouver sa mère biologique. «Je devais faire la paix avec certaines choses à l’intérieur de moi. J’avais de la rancœur envers ma mère biologique. Elle nous avait abandonnés.» Il y avait tout un processus à faire avant de pouvoir entamer des recherches.
Mme Ruest Perron reçoit un appel un certain soir. «Ayant une garderie à la maison, je croyais que la DPJ m’appelait concernant un des enfants et la séparation de ses parents. La personne au téléphone commence à me parler de mon adoption et de mon anomalie à mon bras. Je me demandais pourquoi elle me posait toutes ses questions. C’est alors qu’elle me dit que ma jumelle me recherche. J’en ai perdu le souffle.»
Mme Ruest Perron laisse donc un message sur la boîte vocale de sa sœur. «Je l’ai rappelé immédiatement. C’était un vrai cadeau de pouvoir entendre sa voix. Nous nous sommes donné rendez-vous. J’avais tellement peur que nous ne puissions pas nous aimer. La douleur avait tellement été énorme. Je ne voulais rien lui cacher, je voulais tellement que ça fonctionne», confie, la voix pleine d’émotions, Mme Rocheleau.
Aujourd’hui, les deux sœurs se sentent complètes et leur qualité de vie s’en est grandement ressentie. «Mes proches confient souvent à ma sœur combien j’ai changé et pour le mieux. Je ne suis plus dans un état où il me manque quelque chose», explique Mme Ruest Perron.