Le site historique national des Forges du Saint-Maurice a connu une baisse d’achalandage de plus de 4400 visiteurs au cours de la dernière saison. C’est près de 30 % de moins qu’en 2011, révèlent les chiffres obtenus de Parcs Canada. Cette diminution survient alors que le milieu touristique s’inquiète pour l’avenir du site.

Seulement 9953 personnes ont visité les vestiges de la première communauté industrielle du pays l’été dernier. Il s’agit d’une baisse importante. En 2011, le site des Forges du Saint-Maurice, opéré par Parcs Canada, avait accueilli 14 398 visiteurs, alors qu’en 2010, 14 153 d’entre eux avaient foulé le lieu patrimonial.

Les visiteurs scolaires autant que les groupes de touristes ont été moins nombreux que par le passé. 1029 élèves ont visité les Forges en 2012, alors qu’ils étaient 1970 en 2011. Quant aux groupes organisés, ils ont amené 525 visiteurs en 2012 alors qu’ils étaient 942 en 2011.

Cette chute de l’achalandage survient au moment où les milieux touristique et culturel de la région s’inquiètent pour l’avenir du site. Le 30 avril dernier, le gouvernement conservateur annonçait des compressions à Parcs Canada pour économiser 29 millions $ sur trois ans. 1700 postes seront supprimés dans tout le pays selon l’Alliance de la fonction publique du Canada.

Pour le site historique national des Forges du Saint-Maurice, ces compressions se traduisaient par une saison écourtée dès 2012. Ouvert depuis le 19 mai, le site allait devoir fermer à la fête du Travail plutôt qu’à l’Action de grâce. Pour 2013, les Forges seront ouvertes de la Saint-Jean-Baptiste à la fête du Travail, et les visites guidées disparaîtront pour être remplacées par des panneaux d’interprétation. Deux postes seront abolis.

La fermeture hâtive du site au début de septembre peut expliquer, en partie, la baisse de l’achalandage cette année, souligne Martine Tousignant, gestionnaire des relations externes pour Parcs Canada en Mauricie. « À ce temps de l’année, nous recevions beaucoup de groupes de touriste, notamment des Européens, qui étaient attirés par la beauté du site avec les couleurs d’automne », note-t-elle.

Avenir incertain ?

Au début de l’été, une panoplie d’organismes étaient montés aux barricades pour dénoncer la décision du gouvernement fédéral : Culture Mauricie, Tourisme Trois-Rivières, la Chambre de commerce et d’industries de Trois-Rivières, Médiat-Muse, Appartenance Mauricie et la Société d’histoire du Cap-de-la-Madeleine.

Le directeur général de Culture Mauricie, Éric Lord, n’est pas surpris de cette baisse marquée du nombre de visiteurs. « Je crois que la population a perçu les coupures du gouvernement comme un signal négatif. Plusieurs ont cru que le site perdait de son intérêt, et certains sont allés jusqu’à penser que le site était fermé.»

M. Lord remarque que la direction des Forges a été ébranlée par l’annonce du printemps et que les efforts de promotion ont été moindres cette année, tant par Parcs Canada que par les offices de tourisme locaux. Si les décisions d’écourter la saison et de mettre fin aux visites guidées sont maintenues, le directeur général va jusqu’à parler de la « mort annoncée » de ce site historique, qui a été l’un des plus importants chantiers archéologiques en Amérique du Nord.

Malgré les budgets amputés, Culture Mauricie croit qu’il est primordial de trouver un moyen de continuer à offrir des visites sur demande pour les groupes scolaires et touristiques en dehors de la saison, en plus de maintenir les visites guidées. À défaut de quoi, les chiffres d’achalandage pourraient continuer à plonger.

« Les sondages menés par Parcs Canada auprès des visiteurs des Forges démontrent que la clientèle apprécie particulièrement les visites guidées », souligne Éric Lord. D’ailleurs, au printemps prochain, les Forges accueilleront des groupes scolaires avant l’ouverture officielle de la saison.

Mobilisation chancelante

Le député fédéral de Trois-Rivières, Robert Aubin, et sa collègue de Maskinongé, Ruth Ellen Brosseau, avaient joint leurs voix à la contestation. Les députés néo-démocrates avaient, eux aussi, invité la population à montrer son attachement aux Forges en visitant le site massivement au cours de la saison.

Le 1er juillet, alors que l’entrée était gratuite pour la fête du Canada, une foule record de visiteurs s’était rassemblée sur le site. Toutefois, cet élan ne s’est manifestement pas poursuivi tout au long de l’été à la lumière des données sur la fréquentation. Quant à la page Facebook « J’aime les Forges », créée dans cet effort de mobiliser la population, elle n’a à ce jour recueilli que 278 mentions.

« On aurait pu espérer mieux », convient Robert Aubin. Celui-ci ne croit pas pour autant que le site historique soit la cible d’une désaffection de la part de la population. « Je pense que les gens tiennent toujours aux Forges et qu’ils y retourneraient avec plaisir s’il y avait des investissements et un renouvellement des expositions », plaide-t-il.

Le député néo-démocrate craint que le gouvernement invoque cette baisse d’achalandage pour réduire encore davantage les budgets, et va jusqu’à parler de «stratégie conservatrice ». « Ce gouvernement veut transformer le musée des Civilisations de Gatineau en centre d’histoire canadienne alors même qu’il abandonne un site aussi important dans l’histoire du pays que celui des Forges. »