Un deuxième député conservateur chez les libéraux
Les transfuges politiques sont un phénomène vieux comme le Parlement
Par La Presse Canadienne
Michael Ma est devenu jeudi le deuxième député conservateur à passer dans le camp libéral en l'espace de deux mois.
La décision de M. Ma de rejoindre le gouvernement, après le revirement surprise du député néo-écossais, Chris d'Entremont, au début de novembre, a permis au gouvernement minoritaire du premier ministre Mark Carney de n'être qu'à un siège de la majorité pour la première fois depuis les élections du printemps. Elle a également alimenté les spéculations sur l'identité du prochain élu qui pourrait franchir les lignes politiques.
Changer de parti entre deux élections est une pratique controversée. Pourtant, depuis 1867, plus de 300 députés ont changé de parti au cours de leur mandat.
Le premier député à avoir changé de camp est Stewart Campbell, un Néo-Écossais qui, en 1868, a quitté les anti-confédérés pour rejoindre les libéraux-conservateurs de John A. Macdonald. Le Dictionnaire biographique du Canada indique que M. Campbell a ensuite été bombardé d'œufs lors d'une réception à Antigonish.
Les données de la Bibliothèque du Parlement montrent qu'au cours des 25 dernières années, 80 députés ont changé d'affiliation politique entre deux scrutins. Souvent, ces changements ont eu lieu à la suite d'un changement de direction, ou parfois de la refonte complète d'un parti.
En septembre 2000, les députés québécois David Price et Diane St-Jacques ont quitté le Parti progressiste-conservateur pour rejoindre les libéraux, annonçant leur décision juste après que Joe Clark eut remporté une élection partielle pour revenir à la Chambre des communes en tant que chef du Parti progressiste-conservateur. Ils ont déclaré l'avoir fait pour empêcher que leurs sièges reviennent au Bloc québécois.
L'ancien député progressiste-conservateur André Harvey, qui avait quitté le parti pour siéger en tant qu'indépendant quelques mois plus tôt, a également rejoint les libéraux plus tard dans le mois.
En 2003, quelques jours après le vote qui a fusionné le Parti progressiste-conservateur et l'Alliance canadienne pour former le Parti conservateur d'aujourd'hui, le député progressiste-conservateur Scott Brison a changé de camp pour rejoindre les libéraux, affirmant qu'ils reflétaient mieux ses valeurs personnelles.
M. Brison, premier ministre fédéral ouvertement homosexuel du Canada, a déclaré qu'il avait du mal à accepter la fusion et le fait que le Parti progressiste-conservateur avec lequel il avait grandi n'existait plus.
Belinda Stronach, qui s'est présentée à la direction du nouveau Parti conservateur au début de 2004, a changé de camp pour rejoindre le Parti libéral en 2005. Elle a expliqué avoir fait ce choix, car elle jugeait que le chef conservateur de l'époque, Stephen Harper, n'était pas sensible aux besoins de toutes les régions du pays.
En 2006, David Emerson a rejoint les rangs des conservateurs deux semaines seulement après sa victoire dans une circonscription de la Colombie-Britannique en tant que libéral. M. Emerson a alors accepté un poste de ministre dans le premier cabinet du premier ministre Stephen Harper. Son geste a donné lieu à une enquête du Bureau du commissaire à l'éthique, qui a conclu qu'aucune règle n'avait été enfreinte par M. Emerson ou M. Harper.
Leona Alleslev a quitté le Parti libéral pour rejoindre les conservateurs en 2018. Elle a affirmé que le gouvernement libéral n'avait pas répondu de manière adéquate à certains des défis auxquels le Canada était confronté, citant notamment sa gestion de l'économie, de la réforme fiscale, des affaires étrangères, du commerce et des dépenses militaires.
En 2021, la députée de Fredericton, Jenica Atwin, délaisse le Parti vert pour rejoindre les libéraux après avoir remporté le tout premier siège du parti dans le Canada atlantique. Mme Atwin affirmait à l'époque qu'il y avait trop de distractions au sein du Parti vert et qu'elle souhaitait travailler dans un environnement plus positif et collaboratif.
La députée de l'Ontario Eve Adams a rejoint les libéraux en 2015. Elle a indiqué qu'elle ne se sentait plus membre du Parti conservateur, «ni politiquement ni intellectuellement».
Jenna Gasper, bibliothécaire de recherche à la Bibliothèque du Parlement, a souligné dans un courriel que sur les 307 députés qui ont changé d'affiliation politique depuis 1867, 158 sont passés d'un parti à un autre et 149 étaient indépendants avant ou après avoir changé d'affiliation.
Une pratique qui divise
L'Institut Angus Reid a publié en 2018 un sondage sur les changements d'affiliation politique qui suggérait que les Canadiens étaient divisés sur la question.
Le sondage suggérait que quatre Canadiens sur dix estimaient que les politiciens ne devraient pas être autorisés à quitter un parti pour rejoindre un autre entre deux élections. Environ le même nombre de personnes ont déclaré que cette pratique était acceptable.
Le sondage laissait entendre que ceux qui s'opposaient au changement d'affiliation politique avaient tendance à dire que les députés devraient être tenus de démissionner et de se présenter à nouveau aux élections partielles avant de changer de camp.
Ceux qui soutenaient le changement d'allégeance avaient tendance à préférer que les députés puissent continuer leur mandat en tant qu'indépendants.
Shachi Kurl, présidente de l'Institut Angus Reid, a expliqué que le changement de camp n'était pas très fréquent, mais qu'il s'agissait d'une pratique controversée et source de divisions.
Elle a ajouté que les électeurs qui ont voté pour un parti ou un chef de parti, plutôt que pour le candidat local, peuvent réagir avec colère lorsque leur député choisit de changer de camp. Elle a souligné qu'il n'est pas rare que les politiciens qui changent de camp se retirent également de la course lors d'une élection ultérieure.
«Ce type de décision est souvent irréversible. Cela peut mettre fin à une carrière politique dans ce rôle», a-t-elle déclaré.
Catherine Morrison, La Presse Canadienne
