La Garantie des maisons neuves mise sous tutelle

Par Nicolas Ducharme
Aux prises avec des problèmes financiers, les administrateurs de la Garantie des Maisons neuves de l'APCHQ (GMN) se sont vus retirer leur droit de diriger l’entreprise par la Régie du bâtiment du Québec, jeudi. C’est maintenant la firme Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) qui prendra la relève. Cette décision affectera des centaines de familles victimes de la pyrrhotite en Mauricie.
Cette décision était nécessaire, explique la RBQ, puisque la GMN ne respecte plus les conditions financières prévues par la Loi sur le bâtiment. Au 31 décembre 2012, les réserves financières de l’organisation étaient de 47 M$ alors qu’elles auraient dû être de 57 M$. Un manque à gagner causé par le nombre élevé de réclamations liées à la pyrrhotite.
« Ce sont 1000 familles qui sont touchées, rappelle le président-directeur général de la RBQ, Stéphane Labrie. La problématique a engendré des conséquences importantes pour l’administrateur de la GMN en raison du nombre élevé de réclamations. Depuis le début de cette crise, 32 M$ ont été versés en indemnités. La GMN ne respecte plus les critères de solvabilité. »
La RBQ affirme avoir retiré son autorisation pour des raisons financières, et non pas parce qu’elle désapprouvait la façon d’opérer de la GMN.
«On va offrir le même système pour les bénéficiaires, maintient Jocelyn Renaud de RCGT. On ne réinvente pas la façon de faire, mais on revoit l’administration.»
En attente de la décision de la cour
Ce manque à gagner pourrait toutefois être renfloué selon les résultats du procès de la pyrrhotite, qui est en branle au palais de justice de Trois-Rivières. C’est du moins ce qu’espère le directeur général de la GMN, Ronald Ouimet.
«En principe, si la GMN redevient solvable, l’administrateur provisoire n’est pas requis. Mais il pourrait y avoir un appel, donc ça pourrait prendre quelques années.»
Puisqu’elle est maintenant en tutelle, la GMN voit ses revenus être amputés. Sa réserve de 47 M$ pourrait donc s’épuiser avant qu’elle puisse assumer tous ses engagements. Si tel est le cas, le fonds de garantie créé en mai 2012 par la RBQ et les autres administrateurs du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, Abritat et Qualité Habitation, prendraient la relève afin de s’assurer que les réclamations sont honorées.
Vers une garantie unique
La mise en tutelle de GMN pourrait bien être le premier pas vers la création d’un organisme à but non lucratif qui chapeauterait l’ensemble des garanties pour de nouvelles habitations. M. Labrie a ouvert une porte en ce sens, jeudi.
«La ministre du Travail, Agnès Maltais, a demandé à la RBQ de revoir le projet, selon lequel un seul organisme à but non lucratif administrerait [les garanties]. La majorité des membres du conseil d’administration ne seraient pas issus du domaine de la construction», a-t-il précisé.
M. Ouimet a préféré ne pas commenter la possibilité qu’un tel organisme soit mis sur pied.
Boivin satisfait, mais veut du changement
L’arrivée d’un nouveau gestionnaire à la tête de la GMN est applaudie par le porte-parole de la Coalition proprio-béton, Yvon Boivin. Ce dernier espère maintenant voir des modifications dans la façon d’opérer de cette entreprise.
À son avis, il était primordial que la Régie du bâtiment du Québec intervienne afin de combler le manque à gagner dans les coffres de la GMN.
«Nous sommes heureux de la diligence de la RBQ, qui prend des mesures et qui s’assure que la situation n’empire pas. On rassure les bénéficiaires en précisant qu’il reste encore des sous.»
M. Boivin espère que la venue de la firme Raymond Chabot Grant Thornton à la tête de GMN ouvrira la porte à des changements dans la façon d’opérer de l’organisation.
«Nous demandons de la transparence. C’est normal que lorsque notre maison se fait réparer à un prix presque identique à celui de la construction, d’être présent lors du processus d’appel d’offres. Ce n’est pas grand-chose à nous accorder et ça ne coûte rien. Nous voulons plus de souplesse dans l’administration du plan. C’est une situation exceptionnelle pour les administrateurs, mais aussi pour les bénéficiaires.»
La GMN se défend
Ces accusations sont immédiatement réfutées par le directeur général de la GMN, Ronald Ouimet.«Je ne comprends pas l’argumentation de M. Boivin. Les entrepreneurs ont visité les maisons, ils ont déposé des soumissions et nous avons retenu la plupart. Il y a eu des discussions entre eux et les gens. À nos yeux, le processus est très transparent.»
Le directeur général martèle que tout a été fait afin d’accommoder les familles aux prises avec des problèmes de pyrrhotite dans la région.
«Nous avons mis en place une équipe dédiée à Trois-Rivières, rappelle-t-il. Les sondages menés démontrent qu’il y a un taux de satisfaction de 90 %. Oui, il y a des gens insatisfaits, mais c’est un problème de couverture, ce qui peut entraîner des dépenses supplémentaires pour les gens. Ce que nous entendons, ce n’est pas ce que dit M. Boivin », conclut-il.