Étudier la vie sur les morts
Par Guillaume Jacob
Depuis sa création en 1993, le laboratoire d'anatomie de l'Université du Québec à Trois-Rivières a fait beaucoup de chemin. Il est maintenant le plus important laboratoire du genre au Québec, avec plus de 1000 étudiants, chercheurs et professionnels qui le fréquentent chaque année.
Aussitôt franchies les portes du laboratoire d'anatomie de l'UQTR, une légère odeur d'un mélange de phénol, d'alcool et de formol embaume l'air. Dans la salle de dissection, quelques corps, bien emballés dans leur sac de plastique blanc, sont alignés sur les tables de dissection en inox. Un examen est prévu dans quelques minutes pour les étudiants du programme de chiropratique.
« Nous sommes le plus important laboratoire d'anatomie au Québec en terme d'heures d'enseignement prodiguées et du nombre de table de dissection », souligne Gilles Bronchti, professeur au département de chimie-biologie de l'UQTR qui nous sert de guide.
Récemment agrandi grâce à une subvention de 820 000 $ des gouvernements provincial et fédéral, le laboratoire compte maintenant trois sections finement équipées. Et pour cause, on vient de partout et d'aussi loin que de la France pour profiter des installations et du savoir-faire des cinq professeurs d'anatomie de l'Université trifluvienne.
Depuis l'établissement à Trois-Rivières d'un campus de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, tous les étudiants du programme peuvent venir suivre une formation au laboratoire. Chacun des étudiants des programmes de santé de l'UQTR (chiropratique, podiatrie, orthophonie, sages-femmes, etc.) vient aussi travailler sur les corps inanimés.
De plus en plus de professionnels passent aussi les portes du laboratoire pour parfaire leurs connaissances. Non seulement des médecins, mais aussi des acupuncteurs et des professeurs de yoga, souligne Gilles Bronchti.
Mieux que dans les livres
Pour les étudiants comme pour les professionnels, pratiquer sur de vrais corps permet de devenir de meilleurs praticiens. « Ce qu'on apprend en laboratoire, on l'apprend dix fois plus vite qu'avec des livres ou des logiciels », souligne le professeur Bronchti.
L'identité des corps n'est jamais divulguée, mais leurs antécédents médicaux sont pris en compte et peuvent servir à l'enseignement, explique Gilles Bronchti. « Les étudiants en médecine, par exemple, peuvent voir à quoi ressemble un foie cirrhotique. »
Rares sont les étudiants qui grimacent à l'idée de se pencher sur un cadavre, note le professeur. « La plupart savent avant de s'inscrire dans leur programme qu'ils auront à le faire, et ils considèrent ça comme une occasion d'apprentissage et avec beaucoup de professionnalisme. Après tout, on enseigne la plus belle chose au monde, estime Gilles Bronchti. On enseigne comment le corps humain est fait, et il est très bien fait. »
Martin Larouche, étudiant de première année au doctorat en chiropratique, apprécie beaucoup le laboratoire. « C'est un formidable outil de travail. On peut voir concrètement comment les muscles et les articulations sont faits. C'est certain que ça contribue à faire de moi un meilleur futur chiropraticien. »
C'est aussi une bonne dose de motivation pour le jeune étudiant. « Je suis bien conscient que quelqu'un a fait un grand sacrifice pour que je puisse parfaire mon apprentissage, alors ça me fouette et ça me pousse à donner mon maximum. »
D'ailleurs, Martin Larouche et plusieurs de ses collègues étudiants ont participé à une cérémonie funéraire en compagnie des proches des donneurs, question de démontrer toute leur reconnaissance aux familles.
