Le marieur industriel

Par Matthieu Max-Gessler
Bécancour a eu son lot de tracas dans la dernière année. Avec le déclassement de Gentilly-2, un lock-out de huit mois à Silicium Québec et la menace de la fermeture de l’Aluminerie de Bécancour, les quelques promesses et espoirs de nouvelles industries telles IFFCO Canada, Minéraux rares Quest et RER Hydro semblent être de maigres consolations. Pourtant, au parc industriel et portuaire de Bécancour, on est loin de dormir au gaz…
Avec de nombreux services comme le chemin de fer, un port, deux gazoducs, une usine de filtration des eaux industrielles, et une centrale à vapeur, le parc industriel de Bécancour a de quoi séduire.
«Nous avons reçu près de 80 groupes depuis un an, soit toutes les semaines. Ils viennent visiter le parc, on leur montre qu’on a un équipement unique en région et qu’on peut toujours développer, puisque seulement le tiers du parc est occupé», se réjouit Maurice Richard, président-directeur général de la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour.
Un parc «sélect»
Si le parc est si attirant, comment expliquer qu’aussi peu d’industries s’y installent? C’est que l’institution, qui est d’ailleurs une société d’État, joue avant tout un rôle d’entremetteur pour permettre de trouver chaussure à leur pied.
«On a un rôle économique beaucoup plus large que le parc. Beaucoup de projets pourraient être chez nous, mais parce que ça peut être à un autre endroit, on les y envoie. Quand une entreprise vient à Bécancour, c’est parce qu’elle ne pourrait pas s’installer ailleurs», indique M. Richard.
Par ailleurs, ne s’installe pas à Bécancour qui veut: il ne suffit pas d’une vague idée de projet pour pouvoir mettre la main sur une parcelle des huit kilomètres carrés du parc.
«S’il n’y a pas un projet sérieux, il n’est pas question qu’une entreprise vienne s’installer ici. Il peut se passer des années avant qu’une entreprise ne s’installe ici. Par contre, on en a transité plein ailleurs», nuance M. Richard.
Des retombées visibles
Si la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour joue un rôle majeur dans l’économie de l’ensemble du Québec, elle garde toutefois en tête les préoccupations de sa région, le Centre-du-Québec, et de sa voisine, la Mauricie.
«Un emploi ici en génère six autres dans les petites et moyennes entreprises qui font du ménage, qui vendent de l’essence et qui louent des équipements. À Gentilly, on a une entreprise de réparation de vélos et son principal client, c’est l’Aluminerie de Bécancour, qui utilise des vélos pour transporter des pièces à travers l’usine», illustre M. Richard.
Autre rôle majeur dans l’économie des deux régions: de nombreuses éoliennes produites chez Marmen, à Trois-Rivières, passent par le port de Bécancour.
«Ce n’est pas un client que l’on vole à Trois-Rivières, car en raison de la place que ça prend, les éoliennes occuperaient tous les quais si elles devaient être entreposées là-bas», précise M. Richard.
Un parc industriel, un pont et une ville
Si le parc industriel et portuaire de Bécancour a accueilli plusieurs grandes usines depuis sa création, en 1968, il a également permis le raccordement des deux rives du fleuve entre Québec et Montréal.
«Il y avait un bateau qui faisait la navette entre les deux rives, mais ça ne marchait pas, puisque beaucoup de travailleurs venaient de la Rive Nord. Le pont Laviolette a été construit en lien avec la volonté du gouvernement de Jean Lesage de décentraliser l’industrialisation», explique Maurice Richard, président-directeur général de la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour.
Un parc et une ville
La création du parc industriel a également entraîné la création de la ville de Bécancour, avec la fusion de 11 municipalités environnantes.
«On a dit à une population rurale: demain matin, vous serez des urbains, parce qu’on va installer chez vous une industrie dans laquelle vos enfants et vos petits-enfants vont travailler», poursuit M. Richard.
Cette industrie, c’est celle de la sidérurgie, avec Sidérurgie du Québec (Sidbec), une société d’État créée par le gouvernement libéral de Jean Lesage.
Premier revers
Le vent tourne toutefois en 1966, alors que l’Union Nationale, dirigée par Daniel Johnson père, reprend le pouvoir. Ce dernier décide de fusionner la Sidbec avec l’entreprise Dosco, à Contrecoeur.
«Le pont est presque fini, on a créé une ville et déplacé des agriculteurs, mais il n’y a plus d’usine! C’est là qu’on a décidé de créer la Société et que le parc est arrivé. Encore aujourd’hui, c’est le seul parc gouvernemental», conclut M. Richard.
Petit à petit, année après année, le travail discret des employés du parc industriel de Bécancour se poursuit. Avec, éventuellement des résultats… sur place ou ailleurs.