Un organisateur du Comité du bulletin de vote le plus long interrogé par les députés


Temps de lecture :
4 minutes
Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Un organisateur d'un groupe de protestation ayant inscrit des centaines de candidats lors des dernières élections a déclaré mardi aux députés que son invitation à comparaître devant un comité de la Chambre des communes témoignait du succès de son organisation.
Tomas Szuchewycz était témoin pour le Comité du bulletin de vote le plus long, lors d'une réunion du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, qui étudie l'impact de la manifestation des longs bulletins de vote sur les récentes élections partielles et l'élection fédérale d'avril.
M. Szuchewycz était l'agent officiel de la quasi-totalité des 200 personnes qui se sont inscrites pour se présenter contre Pierre Poilievre lors de l'élection partielle cet été qui a réélu le chef conservateur à la Chambre des communes.
Élections Canada a dû créer un bulletin de vote par correspondance modifié pour ce vote dans la circonscription de Battle River–Crowfoot.
Le Comité du bulletin de vote le plus long dit militer en faveur d'une réforme électorale et a inscrit des dizaines de candidats aux élections partielles depuis 2022.
L'organisation a ciblé la circonscription de Carleton, où était élu M. Poilievre, lors des élections d'avril – ayant donné lieu à un bulletin de vote de plus d'un mètre de long – avant de s'en prendre à l'élection partielle albertaine en août. Les conservateurs se sont depuis engagés à modifier la Loi électorale pour mettre fin à de telles manifestations.
«Les Canadiens seraient bien servis par un organisme permanent, indépendant et non partisan chargé de superviser l'ensemble du cadre législatif électoral», a fait valoir M. Szuchewycz, dans son discours d'ouverture.
Il a déclaré aux députés que le groupe avait connu «un succès qui dépasse tout ce que (qu'il aurait) pu imaginer», citant l'attention médiatique.
La députée du Bloc québécois Christine Normandin a demandé si cette attention prouvait que le message du groupe était réellement entendu.
La question des signatures
Le député conservateur Michael Cooper a accusé M. Szuchewycz de ne pas respecter les règles d'Élections Canada. M. Cooper a affirmé que le groupe recueillait des signatures pour désigner des candidats avant même que ceux-ci ne soient choisis.
L'accusation de M. Cooper, niée par M. Szuchewycz, est à la base de la demande des conservateurs en faveur d'une modification législative qui limiterait le nombre de candidats qu'un électeur peut présenter lors d'une élection.
Les candidats doivent obtenir la signature de 100 personnes dans une circonscription pour être inscrits sur les bulletins de vote. M. Szuchewycz a confirmé que son groupe avait fait signer des formulaires de candidature pour plusieurs candidats lors de l'élection partielle albertaine.
Le directeur général des élections, Stéphane Perrault, a écrit à Dominic LeBlanc, alors ministre des Institutions démocratiques, en septembre 2024, pour réclamer des changements après la participation du Comité du bulletin de vote le plus long à une élection partielle dans LaSalle—Émard—Verdun.
M. Poilievre, qui a qualifié d'«escroquerie» les agissements du groupe cet été, a également réclamé des réformes qui limiteraient la représentation d'un agent officiel à un seul candidat par élection.
Un compromis à trouver, selon un professeur
Le comité de la Chambre des communes a également entendu mardi Peter Loewen, doyen de la faculté des arts et des sciences de l'Université Cornell et professeur au département sciences politiques. Il a qualifié les méthodes du groupe d'«exercice de collecte de signatures».
Le professeur Loewen, qui a notamment travaillé sur le projet canadien de lutte contre la désinformation électorale, a également déclaré que la plupart des Canadiens trouveraient «curieux» que le groupe ait pu utiliser un seul agent pour inscrire tous les candidats.
«Je pense qu'il est certainement possible de trouver un compromis législatif idéal permettant aux citoyens locaux qui souhaitent se présenter pour le simple plaisir de se présenter, même s'ils ne sont pas membres d'un grand parti, d'être inscrits sur les bulletins de vote en recherchant activement un grand nombre de signatures, tout en adaptant les règles pour empêcher la manipulation des bulletins de vote», a-t-il soutenu.
M. Loewen a cité le Parti Rhinocéros, qui a présenté des candidats à de nombreuses élections canadiennes au fil des ans avec des plateformes satiriques, comme une forme d'intervention inoffensive dans les élections.
Le Comité du bulletin de vote le plus long, a-t-il dit, «estime que nous devrions avoir un système électoral différent, malgré les signaux constants indiquant que les Canadiens n'en veulent pas et les affirmations constitutionnelles que notre système électoral est démocratique».
M. Loewen a soutenu qu'il était judicieux de rendre plus difficile l'accès aux bulletins de vote pour les candidats peu sérieux.
«La réputation du Canada en matière d'élections bien organisées est durement acquise et amplement méritée. Ce n'est pas drôle de jouer avec cela», a-t-il souligné.
Il a toutefois également mis en garde les députés contre le risque de se placer en conflit d'intérêts en établissant des règles électorales, et a ajouté que tout changement devrait être soigneusement pesé.
Sarah Ritchie, La Presse Canadienne