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Le ministre McGuinty «confiant» d'atteindre les cibles de dépenses de l'OTAN

durée 08h00
16 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Le Canada investit des dizaines de milliards de dollars dans la défense, cherchant à augmenter ses dépenses à des niveaux jamais vus depuis la Guerre froide, à la fois pour respecter ses engagements envers l'OTAN et pour stimuler l'économie nationale.

Il reste cependant à voir si la Défense nationale – un ministère qui, comme le soulignent les conservateurs de l'opposition, a souvent du mal à dépenser l'intégralité de son budget – sera capable de débloquer les fonds assez rapidement pour convaincre les alliés du Canada du sérieux de son engagement envers ses forces armées.

Le ministre de la Défense, David McGuinty, a affirmé à La Presse Canadienne qu'il était «confiant» à l'idée que le gouvernement fédéral atteigne ses objectifs et qu'Ottawa «agissait rapidement» en matière de comptabilité.

«Nous avons une approche très rigoureuse pour acquérir ce dont nous avons besoin (…) Nous avons décomposé le budget en étapes concrètes et nous progressons», a-t-il affirmé.

«En réalité, pour la première fois depuis longtemps, les Forces armées canadiennes et la Défense nationale sont correctement financées, et il était temps.»

Il a souligné plusieurs dépenses importantes déjà engagées, comme les 2 milliards $ alloués cette année à l'augmentation de la rémunération des militaires, le renouvellement de l'aide à l'Ukraine d'une valeur de 900 millions $ et une série de nouveaux achats et de modernisations d'infrastructures.

Changement de ton

Il y a un peu plus d'un an, le Canada était traité un peu comme un paria sein de l'OTAN, critiqué par les politiciens américains pour son incapacité constante à respecter ses engagements financiers.

Un document du Pentagone, divulgué au «Washington Post», a révélé que l'ancien premier ministre Justin Trudeau avait déclaré à des responsables américains que le Canada ne respecterait «jamais» son engagement envers l'OTAN de consacrer l'équivalent de 2 % du PIB à la défense nationale.

Des documents préparés pour M. Trudeau juste avant le sommet de l'OTAN de 2024, obtenus par La Presse Canadienne grâce à la Loi sur l'accès à l'information, lui fournissaient des réponses toutes faites, arguant que l'atteinte des 2 % est «un processus» et «ne peut se faire du jour au lendemain».

Un an et un premier ministre plus tard, le message d'Ottawa est tout autre. En juin, le premier ministre Mark Carney a annoncé que son gouvernement atteindrait l'objectif cette année, puis, plus tard dans le même mois, il a réaffirmé l'engagement du Canada à atteindre 5 % d'ici 2035.

Les risques liés au non-respect de cet objectif sont évidents. Le président américain Donald Trump a averti à plusieurs reprises les pays membres de l'OTAN qu'ils ne pouvaient pas compter sur l'aide des États-Unis s'ils ne payaient pas leur part des dépenses de défense, et s'est récemment vanté d'avoir forcé l'alliance à relever son seuil minimal de dépenses collectives.

«L'OTAN m'appelle papa», a dit M. Trump lors d'une entrevue accordée à «Politico» le 9 décembre.

Un portrait «incomplet»

Le premier budget fédéral de M. Carney prévoyait près de 82 milliards $ de dépenses en défense pour les années à venir, dont 9 milliards $ pour la seule année en cours. De nombreux détails concernant l'affectation de ces fonds demeurent obscurs pour les observateurs extérieurs.

Selon les projections de l'OTAN, le Canada devrait consacrer environ 63 milliards $ à la défense au cours de cet exercice financier.

David Perry, président de l'Institut canadien des affaires mondiales – un groupe de réflexion – a souligné que les Canadiens ne sauront pas avant plusieurs mois si la totalité des fonds affectés permettra effectivement au Canada d'atteindre l'objectif de 2 %.

«Je ne parierais pas mon argent que chaque dollar sera dépensé, mais je crois que nous atteindrons l'objectif politique fixé au sein de l'alliance (ce qui prouve) au moins que nous avons essayé», a-t-il soutenu, ajoutant que le ministère avait enregistré des dépenses budgétaires nettement inférieures à la normale cette année.

Anessa Kimball, directrice du Centre de sécurité internationale de l'Université Laval, a affirmé que le budget 2025 offrait une «image incomplète».

Selon la directrice, il manque des éléments clés comme la flotte prévue de nouveaux sous-marins coûteux et un plan financier complet jusqu'en 2035 – et il pourrait même accuser un déficit d'environ un demi-milliard de dollars par rapport à l'objectif de 2 %.

Toutefois, même si la part des dépenses dans le PIB peut fluctuer selon la conjoncture économique, Anessa Kimball estime que le Canada sera «suffisamment proche» de l'objectif pour éviter de nouvelles tensions diplomatiques.

«Je verrai bien en mars s'ils le font réellement, a expliqué Anessa Kimball, mais il semble qu'ils se soient alignés.»

L’ambassadeur des États-Unis au Canada, Pete Hoekstra, a affirmé à La Presse Canadienne que les États-Unis croient M. Carney sur parole lorsqu’il dit que le Canada atteindra l’objectif de 5 % et que tout porte à croire qu’Ottawa prend au sérieux l’augmentation du financement militaire. Cela devrait apaiser les tensions bilatérales avec Washington concernant la défense, du moins pour le moment.

Dépenses militaires «connexes»

Ce pourcentage de 5 % inclut également une exemption permettant aux «dépenses connexes» à la défense, comme la modernisation des infrastructures, d’être comptabilisées dans l’engagement envers l’OTAN, ce qui facilite l’atteinte de ce montant plus élevé.

Kerry Buck, ancienne ambassadrice du Canada auprès de l’OTAN, a expliqué que cette exemption est justifiée, car l’alliance doit toujours investir dans les infrastructures pour soutenir ses forces armées, par exemple en modernisant les nombreux ponts anciens en Europe qui ne peuvent toujours pas supporter le poids des chars.

Le budget de 2025 prévoit que l’objectif de 1,5 % sera facilement atteint grâce aux dépenses provinciales et municipales anticipées, ce qui signifie qu’Ottawa n’a réellement à se préoccuper que des 3,5 % restants.

«Les dépenses de 1,5 % peuvent inclure des dépenses au niveau régional», a confirmé un porte-parole de l'OTAN.

Anessa Kimball indique que le manque de clarté des définitions de l'OTAN permettait des «optimisations comptables» pour aider les États membres à atteindre le seuil difficile de 5 %. De nombreuses questions subsistent cependant quant aux critères d'admissibilité, notamment la possibilité de considérer le projet de ligne ferroviaire à grande vitesse Alto comme «activité connexe à la défense».

Maintenir le rythme

Se pose alors la difficulté de maintenir le rythme, alors que des engagements encore plus importants pèsent sur le gouvernement.

«Atteindre 2 % sera déjà un défi de taille, et nous verrons si nous y parvenons d'ici un an. Passer à 3,5 % représente un effort considérable», a avancé M. Perry.

«Plus le taux de dépenses prévu est élevé, plus les relations entre le ministère de la Défense et le reste du gouvernement du Canada (...) auront de l'influence. Si nous nous dirigeons légitimement vers une enveloppe de 3,5 % du PIB consacrée à la défense, cela entraînera une importante réaffectation des fonds alloués à d’autres activités gouvernementales.»

Anessa Kimball souligne que Mark Carney devra encore convaincre le Parlement et les électeurs de la nécessité de ces dépenses élevées, puisque le financement des années à venir doit encore être approuvé.

Kyle Duggan, La Presse Canadienne