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Comprendre la contribution des régions à l’essor du Québec

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21 novembre 2014
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L'auteur de cette lettre, Bernard Vachon, est détenteur d’un doctorat de la London School of Economics and Political Science en Angleterre et de l’Université de Liège en Belgique. Il a fait carrière comme professeur-chercheur au Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal de 1969 à 2000. Il rédige La chronique du Prof sur Néorurale.ca.

Lettre au Premier ministre et au Conseil des ministres

L’immense territoire du Québec est une mosaïque de régions aux caractéristiques distinctes. Chacune contribue à leur manière à l’identité, à l’affirmation et à l’épanouissement économique, social et culturel de la société globale. Les handicaps de certaines d’entre elles, d’ordre géographique ou autre, appellent à des aides par souci d’égalité des territoires et de justice sociale.

Les structures mises en place et les dispositifs élaborés au cours des 30 dernières années pour favoriser la mise en valeur des ressources et pour contrer les disparités régionales, sont des acquis précieux qui doivent être considérés comme des investissements, et à ce titre, comme des alliés aux efforts de redressement des finances publiques, non comme des obstacles.

La dévitalisation et l’appauvrissement des régions entraînent des conséquences économiques, sociales et financières lourdes à porter pour la société toute entière.

Partout dans le monde, les États se donnent des politiques de développement local et régional, accompagnées de pouvoirs et de budgets décentralisés. Le pouvoir central et les collectivités territoriales conjuguent ainsi leurs efforts pour maintenir ou réintroduire le dynamisme économique et social à la base de l’occupation et de la vitalité des territoires.

Montréal en relation d’interdépendance et de complémentarité avec les autres régions

Depuis le rapport Higgins, Martin, Raynaud de 1970 portant sur les Orientations du développement régional  au Québec, on réfère régulièrement à cette expression voulant que Montréal soit la « locomotive économique du Québec ». Le 11 novembre dernier, l’Institut du Québec[1] publiait une étude intitulée Montréal: boulet ou locomotive? Concernant la puissance de Montréal et ses effets d’entraînement pour assurer le dynamisme du reste du Québec, l’étude se fait pour le moins nuancée. Le constat général remet en question un certain dogme : «Montréal est une puissante locomotive, mais elle sous-performe au détriment de tout le Québec. (…) Si l’importance de Montréal demeure indéniable pour l’économie du Québec, sa contribution est toutefois en baisse depuis 15 ans. La comparaison de Montréal avec d’autres grandes villes n’est plus reluisante. Elle traîne de la patte quand on la compare à ses homologues du reste du pays. (…) Avec 48.9 % de la population du Québec et 53 % du PIB de la province, la région de Montréal joue un rôle central et incontournable dans l’économie québécoise.» Toutefois, «considérant que la performance économique de Montréal a été généralement inférieure à celle des autres grandes villes du Canada au cours des dernières années, la métropole n’a pas donné sa pleine contribution à l’économie du reste du Québec», tranche l’Institut du Québec. De 1987 à 20013, la croissance annuelle de l’économie montréalaise n’a été que de 1 % en moyenne.

Dans un tel contexte, « la prospérité des régions ne peut être essentiellement attribuable à celle de la région de Montréal » souligne Joëlle Noreau, économiste au mouvement Desjardins.

Sans négliger les efforts à déployer pour accroître la performance économique de Montréal, le développement des régions à l’extérieur de Montréal –et de Québec– doit aussi recevoir sa part d’attention et de moyens, car la croissance économique dépend de plus en plus des initiatives, des innovations et des ressources qu’on y investit. L’avenir du Québec ne se construit pas seulement avec ses deux métropoles, mais avec ses petites et moyennes villes, ses régions et ses villages.

Attractivité et compétitivité

Les stratégies de développement seront élaborées autour de deux grands axes complémentaires : l’attractivité et la compétitivité des territoires.

Alors que l’attractivité réfère à la mise en valeur des attraits des lieux, à la diversité des services aux personnes, à la qualité du cadre de vie, de l’environnement naturel et bâti… à la qualité de vie en somme, la compétitivité territoriale repose sur les infrastructures, les équipements publics et le support technique et financier offert aux entreprises.

Au-delà des investissements dans les réseaux de transport et de communications, de l’aménagement des lieux publics et de la création de centres de services, il y a une expertise fine à promouvoir pour réunir les conditions propices aux initiatives de développement et faire émerger des porteurs de projets.

C’est ici qu’interviennent les organismes de développement local et régional qui, dans le cadre de leur mandat respectif, vont œuvrer à préparer le terreau propice à l’entreprenariat. Leur raison d’être : mettre les territoires en état de se développer et de produire.

L’expertise indispensable des organismes régionaux de développement

C’est dans le contexte de la crise économique du début des années 80 que le gouvernement fédéral a réalisé l’importance de mettre à contribution les collectivités territoriales pour assurer le dynamisme économique de toutes les régions et ainsi lutter efficacement contre la dévitalisation et le sous-emploi. En 1983, il a élaboré et adopté le Programme de développement des collectivités (PDC), concrétisé dans le cas du Québec, par la mise en place d’un réseau de Centres d’aide au développement des collectivités (devenus plus tard les Sociétés d’aide au développement des collectivités – SADC) et de Centres d’aide aux entreprises (CAE). Reconnaissant les mérites de ces organismes, le Québec créait en 1997 le réseau des Centres locaux de développement (CLD) et des Corporations de développement économique communautaire (CDEC), au nombre de 120 à travers tout le Québec.

Dans cette volonté de stimuler et d’appuyer les efforts de développement des territoires, le gouvernement du Québec a mis en place d’autres dispositifs : les Conférences régionales des élus (CRÉ), les Carrefours Jeunesse-emploi, Solidarité rurale…, chaque structure ayant des mandats, des champs d’intervention et des clientèles spécifiques.

Il importe ici de préciser que ces structures de support au développement ne sont pas que des « guichets » pour aider au démarrage ou à la consolidation d’entreprises. L’aide financière n’est qu’un élément parmi un ensemble de tâches fondamentales qui sont accomplies en amont des prêts ou subventions consenties.

Ces tâches qui ont pour but le renforcement de la volonté et des capacités individuelles et collectives d’agir peuvent être résumées par l’acronyme suivant : ISMFA, c’est-à-dire, I pour information, S pour sensibilisation, M pour mobilisation, F pour formation et A pour action (démarrage ou consolidation d’entreprises).
Comme on peut le constater, à travers cette approche territoriale de développement, la rationalité économique est étroitement imbriquée aux dimensions sociales et culturelles. Les CRÉ constituent une instance de concertation et de planification traitant de questions de développement économique, social, culturel ou environnemental de niveau régional.

S’il peut apparaître opportun de revisiter les structures et les dispositifs de développement local et régional par souci d’efficacité administrative, une telle opération ne saurait se traduire par la mise en cause du bien fondé des organismes de développement et de leurs missions, servant de prétexte à leur abolition ou à leur affaiblissement par des coupures drastiques de leurs budgets d’opération. Le ménage qui s’impose se situe au niveau des différents programmes d’aide aux entreprises ainsi qu’au poids de la fiscalité des entreprises. Plus de cohérence et des allègements doivent inspirer les réformes à entreprendre. C’est ici que le véritable courage politique et la rigueur administrative doivent se manifester.

Donner de l’ampleur et de l’humanité aux structures de développement régional

S’il peut apparaître aux yeux de certains difficile d’évaluer à juste mesure les tâches difficilement comptabilisables des actions en amont des prêts ou des subventions au démarrage d’entreprises, les mandats des CLD, des CRÉ et des Carrefours jeunesse-emploi ne sont pas pour autant superflus considérant l’ensemble des efforts et des expertises à déployer pour contrer les processus de dévitalisation et réintroduire une volonté et une capacité d’agir dans les territoires.

Si la Stratégie gouvernementale pour assurer l’occupation et la vitalité des territoires et la Loi du même nom en appui à la Stratégie, adoptées par le gouvernement Libéral au printemps 2012, ont toujours du sens pour le gouvernement Couillard, les missions de ces organismes doivent être préservées quant à leurs philosophie, orientations et objectifs.

Dans l’opération de révision des programmes gouvernementaux en cours, l’approche comptable doit faire place à une vision de développement supportée par une approche territoriale dont les organismes locaux et régionaux ont su forger les clés. Abolir ces organismes et leur expertise c’est porter atteinte grave à la volonté et à la capacité d’agir des milieux.

Bien que les aides financières soient nécessaires, une politique de développement des territoires ne peut se limiter à une politique de guichet, elle doit avant tout être une politique de projets. Retenir cette maxime du développement local : « Il n’y a pas de territoires sans avenir, il n’y a que des territoires sans projets ».

Le Pacte fiscal se trompe de cible

Au cours des derniers mois on a beaucoup questionné la cohérence et l’efficacité des aides financières allouées au développement régional, notamment les subventions et les crédits d’impôts accordés aux entreprises. Autre objet de critique : le lourd fardeau de la fiscalité des entreprises.

Dans un article paru le 12 novembre dernier dans Le Journal de Montréal, le président et directeur général de l’Institut économique de Montréal, Michel Kelly-Gagnon, écrivait : « Il est notoire que l’ensemble des programmes d’aide aux entreprises est une véritable maison de fous ».

Il reprenait ainsi certains constats d’une étude réalisée par le professeur Robert Gagné et ses collaborateurs des HEC portant sur la Productivité et prospérité au Québec – Bilan 2013, publié en janvier 2014. Dans cette étude, Robert Gagné déplorait l’aveuglement volontaire dont font preuve les partis politiques à l’égard des programmes d’aide aux entreprises. «Je ne regarde plus ce qu’il y a dans les plateformes électorales des formations politiques. C’est de la foutaise», confiait-t-il à Gilbert Leduc du quotidien Le Soleil alors que la campagne électorale du printemps battait son plein. «Personne ne veut ouvrir cette boîte-là. Les politiciens ont peur. De quoi? Des lobbys qui défendent âprement ce système de crédits d’impôt et de subventions qui coûte des milliards de dollars aux contribuables et qui a fait la preuve de sa plus totale inefficacité.»

Empruntant un point de vue plus réducteur, le président et directeur général de l’Institut économique de Montréal, Michel Kelly-Gagnon, préconise l’abolition pure et simple des organismes locaux et régionaux de développement économique, notamment les CLD et les CRÉ : « Les abolir ne générerait pas tant d’économies que cela, mais pour une fois, un tentacule de l’État se ferait réellement éliminer, ce qui aurait une valeur symbolique aux yeux des contribuables, constamment mis à contribution pour corriger les déficits budgétaires. » Solution simpliste qui n’a de sens en effet que par sa valeur symbolique, laissant entier le problème de fond que constitue le désordre du système d’aide aux entreprises. Conforté par un tel conseil, inspiré d’une logique politique plus qu’économique, le gouvernement Couillard a fait allègrement le choix du couperet avant même que le ménage dans les programmes d’aide aux entreprise n’ait été fait, toujours soucieux de son image médiatique et pour ne pas déplaire à ses lobbys et amis des milieux économiques.

Lors de son entrevue avec le journaliste Gilbert Leduc du quotidien Le Soleil le 5 avril dernier, Robert Gagné des HEC affirmait : «Ce que l’on sait, par ailleurs, c’est que les contribuables québécois sont les plus généreux au Canada avec leurs entreprises. Et de loin. Il y a des milliards de dollars là-dedans. Trois ou quatre milliards de dollars. De l’aide directe. De l’aide indirecte. Des crédits d’impôt, en voulez-vous? En voilà! Il y en a 58 au Québec. (…) La main gauche ne sait pas ce que donne la main droite. Des mesures viennent en contredire d’autres. (…) Ce que l’on sait aussi, c’est que les outils financiers utilisés par l’État ne se démarquent pas par leur efficacité et qu’il y a absence totale de reddition de compte. Il n’y a aucune évaluation de programme qui se fait. Comment savoir si nous en avons tous pour notre argent? Les crédits d’impôt sont reconduits automatiquement. Sans discussion. Sans débat».

Ce qui rend Robert Gagné particulièrement critique à l’égard des crédits d’impôt, c’est que « la majorité des entreprises – grandes ou petites – n’en voient jamais la couleur. Ça veut dire qu’une petite minorité doit en recevoir un gros paquet. On ne connaît pas les entreprises qui composent cette minorité. On ne sait pas si elles ont vraiment besoin de ce coup de pouce fiscal de l’État.»

Revoir la fiscalité des entreprises

Selon Robert Gagné, «un grand coup de balai s’impose. On surtaxe l’ensemble des entreprises pour en sursubventionner une minorité.»

Et tant qu’à donner un coup balai pour tenter de rendre plus équitable le système d’aide aux entreprises, pourquoi ne pas revoir de A à Z la fiscalité des entreprises qui, de l’avis de Robert Gagné, constitue un frein à l’investissement dans l’accroissement de la productivité, (Gilbert Leduc, Le Soleil, 5 avril 2014)

Conclusion

Les régions s’attendent à des gestes responsables, visionnaires, inspirés et audacieux de leur gouvernement, des gestes fondés sur des convictions et un argumentaire qui souscrivent à un véritable projet de société englobant tout le territoire occupé du Québec.

[1] L’Institut du Québec, qui est né d’une initiative du Conference Board et de HEC Montréal, réunit des chercheurs sous la présidence de Raymond Bachand, ancien ministre des Finances du Québec.

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