CGI à Shawinigan - Ne boudons pas notre plaisir
Une collaboration spéciale d’Yves-François Blanchet
2 septembre : Produits forestiers Resolu tourne (encore) le dos à ses engagements et annonce la fin des activités de l’usine de la Laurentide de Grand-Mère ainsi que la perte de 275 emplois. Le maire de Shawinigan et la communauté affligée par plus de 1300 pertes d’emplois en 7 ans exigent alors que le gouvernement du Québec se mette à l’écoute d’une population malmenée par la fin de la grande entreprise devenue désuète.
Très vite, le Premier ministre Philippe Couillard s’engage à ce que l’argent nécessaire à la relance de l’économie de Shawinigan soit disponible, et qu’un projet d’envergure soit incité à s’y établir.
Ce projet d’envergure, ce sera l’implantation d’un centre d’excellence en technologies de l’information allant créer en trois ans 300 emplois rémunérés entre 50 000$ et 75 000$ par an. Le groupe Groupe CGI est une multinationale québécoise spécialisée dans les services informatiques aux entreprises, employant près de 70 000 personnes dans 40 pays à travers le monde, et un des principaux fournisseurs de tels services au gouvernement du Québec.
Dans une ville qui, depuis plusieurs années déjà, déploie des efforts titanesques pour se donner des outils modernes de développement économiques, c’est une annonce sensationnelle. Déjà, Shawinigan a créé le Centre d’entrepreneuriat Alphonse-Desjardins et la Station du numérique, devenue Digihub, dans le marché mondial de l’incubation de jeu vidéo et d’applications pour téléphones intelligents. CGI s’inscrit dans ce virage vers la nouvelle économie.
Cependant, l’entreprise, le Premier ministre et la brochette de ministres et députés qui l’accompagnaient se sont faits avares de détails. Ce flou s’explique facilement : le gouvernement a saisi l’urgence d’une annonce afin d’apaiser la grogne des Shawiniganais mobilisés. Il lui a été plus facile de convaincre le Groupe CGI que quiconque de se porter au secours de l’économie régionale.
Non seulement CGI est un des plus importants, sinon le plus important fournisseur de services informatiques du gouvernement du Québec, mais le Journal de Montréal rappelait récemment que le nouveau patron des services informatiques du gouvernement, Jean-Guy Lemieux, un ancien attaché politique de Robert Bourassa, est aussi le frère de Claude Lemieux, un haut dirigeant de CGI. En d’autres circonstances, on aurait pu tiquer.
On doit espérer qu’on connaîtra le détail financier de l’opération au cours des prochains mois. Les rares initiés sont être tenus au strict secret. Ainsi, on ne connaît pas le coût total de l’implantation de ce centre d’excellence de CGI à Shawinigan. On parle de quelques dizaines de millions. La participation du gouvernement du Québec viendra d’abord à hauteur de 7,5 millions de dollars du programme de crédits d’impôts destiné aux entreprises en informatique.
On croit comprendre que le Fonds de diversification économique de la Mauricie et du Centre-du-Québec et ses 200 millions de dollars seront aussi mis à contribution environ à la même hauteur, ainsi peut-être que le Fonds de développement économique administré directement par le ministère des Finances. On ignore pour le moment la part financée par le gouvernement dans un investissement dont on ignore aussi le montant, mais on calcule que le gouvernement récupérera rapidement sa mise.
On nous dit également qu’Emploi Québec doit mettre à la disposition des travailleurs de la Laurentide un service de reclassement. Les emplois qui seront créés exigeront des diplômes collégiaux et universitaires que les travailleurs licenciés par Resolu ne détiennent pas.
Certains d’entre eux se prévaudraient de programmes de mise à la retraite et quelques dizaines accepteraient d’être relocalisés par l’entreprise, laissant autour de 150 travailleurs à outiller pour être parmi les premiers à bénéficier de la construction, des retombées indirectes et des opérations du Groupe CGI à Shawinigan.
Shawinigan y gagne une relance dont les citoyens commençaient à douter et la promesse d’une économie rajeunie, le gouvernement libéral y gagne beaucoup de reconnaissance dans un comté qui ne lui avait pas fait confiance depuis très longtemps et dans une région aux attentes élevées, et le Groupe CGI y gagne une dette morale du gouvernement du Québec et une participation financière importante à l’implantation d’une installation dont la rentabilisation n’en sera que plus facile.
La plupart d’entre nous accueilleront la bonne nouvelle à bras ouverts et s’abstiendront de poser davantage de questions. Ne boudons pas notre plaisir.
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